Congrès des Patriotes : "Philippot va avoir un vrai problème de ligne politique"

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Florian Philippot a déjà annoncé qu'il sera la tête de liste de son parti pour les élections européennes. © Lionel BONAVENTURE / AFP
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Romain David
INTERVIEW - Alors que Florian Philippot tient dimanche le congrès fondateur de son parti, le politologue Bruno Cautrès analyse pour Europe 1 ses chances de percer.
ON DÉCRYPTE

Un baptême en grande pompe. Florian Philippot organise dimanche, à Arras, le congrès de lancement de son parti, Les Patriotes. À l’issue d’un tour de France "des initiatives locales", l’ex-numéro deux du Front national, qui a claqué la porte du parti de Marine Le Pen en septembre, devrait prendre officiellement la présidence de son nouveau mouvement.

Ce rendez-vous va également être axé sur la préparation des élections européennes de 2019, avec la diffusion d’un message enregistré par Nigel Farage, fondateur du parti pro-Brexit UKIP, souffle Le Journal du Dimanche. Alors qu’un ancrage électoral pourrait permettre aux Patriotes – qui revendiquent 6.000 adhérents -, d’exister, Florian Philippot a déjà indiqué qu’il conduirait la liste européenne du parti. L’eurodéputé a besoin d’un gros coup, après le score très bas de sa candidate à la législative partielle du Territoire de Belfort, reléguée à 2%, derrière le FN. "Les Patriotes sont la plus jeune formation politique de France", avait-il plaidé au micro d’Europe 1. Alors, quelles chances pour cette formation transfuge du FN ? Comment Florian Philippot peut-il s’affirmer en dehors du giron de Marine Le Pen ? Europe 1 a interrogé Bruno Cautrès, politologue et chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po.

Le FN ne sort toujours pas la tête de l’eau après la débâcle des présidentielles, Nicolas Dupont-Aignan appelle à une union des droites et Florian Philippot lance son propre parti. Assiste-t-on à une recomposition inédite de l’extrême droite en France ?

B.C. Le FN reste l’acteur largement principal à l’extrême droite, même s’il tire les conclusions d’une alliance de dernière minute avec Debout la France qui n’a pas très bien fonctionné. De ce côté-là, Nicolas Dupont-Aignan a toujours son petit contingent, ébranlé d’ailleurs par son ralliement à Marine Le Pen. Florian Philippot doit prouver qu’il existe politiquement entre ces deux pôles et en dehors de lui-même. Ce qui est sûr, c’est qu’en matière de timing, avec la crise de leadership de Marine Le Pen, dont les apparitions sont rares, qui laisse ses électeurs dans le vide et qui est incapable d’incarner l’opposition, tout se joue maintenant.

Quel espace politique peut-il espérer occuper ?

Florian Philippot va avoir un vrai problème de ligne politique. Le créneau d’une droite anti-européenne et souverainiste est déjà occupé par Nicolas Dupont-Aignan, qui a un important bagage politique et une implantation locale très forte, ce qui n’est pas le cas de Florian Philippot. Les deux revendiquent également des racines souverainistes et une admiration pour le général de Gaulle. À moins d‘une alliance avec le leader de Debout la France, il va être très difficile pour Florian Philippot d’exister, et surtout d’affirmer son indépendance sur le plan des idées. Ajoutons à cela que Les Républicains, emmenés par Laurent Wauquiez, occupent de plus en plus l'espace d'une droite dure et décomplexée.

Les formations d’extrême droite existent souvent à travers la personnalité d’un leader charismatique, Florian Philippot, longtemps resté dans l’ombre de Marine Le Pen, peut-il endosser ce costume ?

Prendre la tête d’un parti de droite nécessite certaines qualités de base, à savoir être un leader charismatique, avoir autorité sur les troupes et être capable d’insuffler une dynamique. Florian Phillipot, homme de rouages et de communication, ne nous a pas encore montré cette facette. Même si le FN en a fait une vedette des plateaux télé, avec une forte capacité à débattre, ce n’est pas la même chose que d’emmener derrière soi tout un mouvement. Enfin, il appartient à une famille politique où le sentiment de fidélité, d'adhésion au chef est très fort, or son départ du FN peut donner l'impression à l’électorat d'un coup de couteau dans le dos de Marine Le Pen.

En quoi les élections européennes pourraient lui servir de tremplin ?

Avec le retour à des listes nationales, les européennes deviennent la seconde élection à circonscription unique. Elles peuvent donc servir d’élection présidentielle bis à certains leaders politiques. Florian Phillippot va avoir l’occasion d’exister nationalement, et de ne pas rester enfermé dans une circonscription territoriale en dehors de laquelle il est sans soutien. Surtout, face à un FN qui est toujours dans le flou sur la question de l’euro, il pourrait opposer une ligne claire et rendre son positionnement identifiable.