Bruno Roger-Petit relance le débat sur la porosité entre journalisme et politique

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Par Hélène Jouan, cheffe du service politique d'Europe 1, édité par R.D. , modifié à
ÉDITO - La nomination de l’éditorialiste comme porte-parole de la présidence de la République créé du remous, d’autant que dans le même temps, des personnalités politiques deviennent chroniqueurs télé ou radio.

Emmanuel Macron a choisi mardi un journaliste, Bruno Roger-Petit, pour devenir porte-parole de la présidence, quand des personnalités politiques deviennent en cette rentrée chroniqueurs télé ou radio. Un chassé-croisé qui a vivement relancé le débat sur la porosité entre ces deux mondes.

Les précédents Jaurès ou Clémenceau, les exemples à l’étranger… Le phénomène, pourtant, ne date pas d’hier. Connaissez-vous le point commun entre Marat, Jaurès, Blum et Clémenceau ? Ils étaient tous journalistes avant d’embrasser une carrière politique. D’accord, c’était une autre époque, et ils n’étaient pas "conseillers com’", mais vrais acteurs politiques.

Plus près de nous, en Allemagne, c’est un ex-présentateur d’un grand journal télé, Stefen Seibert qui, depuis 2010, est venu apporter son sérieux et sa popularité au gouvernement d’Angela Merkel comme porte-parole. Alastair Campbell, en Grande-Bretagne, a accompagné toute la carrière de Tony Blair comme directeur de communication et spin doctor. Il était journaliste avant, puis après. Sans que cela soulève des cris d’orfraie dans leur pays respectif.

"Confusion", "désastre", "trahison". En France, la nomination de Bruno Roger-Petit à l’Elysée passe mal surtout parmi les journalistes, où l’on parle volontiers de "trahison". Au passage, on relèvera qu’Emmanuel Macron est peu imaginatif en la matière : depuis 40 ans, tous les présidents ont eu recours aux services d’un journaliste pour les accompagner, de Valéry Giscard d’Estaing à François Hollande, en passant par Nicolas Sarkozy. L’arrivée concomitante d’ex-politiques, la plupart en mal de mandat, sur les plateaux télé et radio comme chroniqueurs, est dénoncée par leurs pairs comme entretenant la "confusion".

"Confusion", mais aussi "désastre", "trahison"... Les mots utilisés pour commenter l’information sont parfois très forts. Car elle intervient au moment où ces deux professions, même si politique n’en est pas une, subissent un même discrédit dans l’opinion publique. Régulièrement, des baromètres les placent en queue de peloton des métiers populaires, juste avant les huissiers de justice et... les prostituées.

Endogamie culturelle et sociale. Cela intervient aussi à un moment où l’endogamie culturelle et sociale de ces deux mondes est pointée du doigt. Issus du même milieu, ils font les mêmes écoles, déjeunent ensemble, et plus si affinités. Cette endogamie est une réalité sociale, critiquable évidemment, et qui sans doute n’est pas pour rien dans la crise que la presse vit actuellement, mais elle n’est pas limitée à ce seul milieu. Enfin, ces réactions indignées s’expliquent sans doute par la pratique du journalisme politique en France, différente de celle des pays anglo-saxons, elle est soupçonnée de connivence et de collusion avec les milieux politiques et économiques, mais là, il faudrait plus d’un édito pour l’expliquer voire la défendre !

Quand un de nos confrères franchit le Rubicon, ça jette un trouble sur sa probité personnelle. A quel moment a-t-il cessé d’être journaliste pour devenir supporter officieux puis officiel… Et cela rejaillit sur notre probité collective. Chaque journaliste est-il un crypto-politique ? Cela nourrit le procès facile du fameux "système", fait d’élites qui vivent dans l’entre soi. Pour tenter de défendre ceux qui passent la frontière, on avancera l’éthique personnelle de chacun, et accessoirement, le droit à changer de vie !