Bébés nés sans bras : "Agnès Buzyn, trouvez de l'argent, on compte sur vous"

  • Copié
Jean-Michel Aphatie , modifié à
Privée de subventions, l'association Remera, qui a alerté sur la naissance de bébés sans bras dans l'Ain entre 2009 et 2014, est menacée de disparition. Dans son édito, Jean-Michel Aphatie demande à la ministre de la Santé de prendre ses responsabilités.

L'épidémiologiste Emmanuelle Amar, qui avait donné l'alerte après la naissance de sept enfants sans bras ou sans mains dans l'Ain entre 2009 et 2014 dans un rayon de 17 kilomètres autour du village de Druillat, ne sera plus à la tête du registre des malformations en Rhône-Alpes (Remera), à partir du 31 décembre. Tout comme les cinq autres personnes travaillant avec elle au sein de cette association, elle a reçu sa lettre de licenciement vendredi. 

Dans son édito lundi matin sur Europe 1, Jean-Michel Aphatie s'insurge contre ces licenciements et interpelle la ministre de la Santé Agnès Buzyn.

"Anormal, injuste. Cette affaire doit susciter un peu d'indignation, c'est bien le minimum que l'on puisse faire.

L'association s'appelle Remera, pour 'Registre des malformations dans la région Rhône-Alpes'. Cinq personnes y travaillent, et bénéficient de 250.000 euros de subventions pour fonctionner. Cette association, qui dépend des Hospices civils de Lyon, a mis en lumière le fait que sept bébés étaient nés avec des malformations graves dans le département de l'Ain, à côté d'un petit village, dans un rayonnement de 17 kilomètres, entre 2009 et 2014. Il s'est passé, dans ces années-là, à cet endroit-là, quelque chose d'anormal.

Entendu sur europe1 :
Les lanceurs d'alerte, on les aime en théorie. Mais en pratique, ils gênent beaucoup de monde

Le ministère de la Santé a délégué à l'une de ses agences nationales, Santé publique France, le soin d'enquêter sur l'origine de ces malformations. Sur le terrain, cela s'est très mal passé. Remera a accusé Santé publique France de ne pas vraiment chercher les causes de la malformation. C'est ce qui a conduit Emmanuelle Amar, qui dirige l'association, à prendre la parole publiquement dès 2016 pour informer l'opinion publique et révéler ce qui semblait être un scandale.

Evidemment, les lanceurs d'alerte, on les aime en théorie. Mais en pratique, ils gênent beaucoup de monde. Surprise, au printemps 2018 : les organismes qui subventionnaient l'association Remera décident, tous, tout à coup, de cesser leurs financements. Des motifs administratifs sont avancés, et personne ne relie officiellement la fin des subventions au fait qu'Emmanuelle Amar ait pris la parole. 

Dès lors, les Hospices civils de Lyon n'ont plus d'argent pour 2019, donc ils licencient. Les cinq personnes de l'association ont reçu leur lettre vendredi.

Entendu sur europe1 :
Madame Buzyn, faites à partir d'aujourd'hui ce que vous n'avez pas fait la semaine dernière

Malgré tout, le fait qu'Emmanuelle Amar allait parler publiquement a suscité de l'émotion autour de ce dossier. Des députés se sont intéressés à elle, et l'avaient même auditionnée mardi à l'Assemblée nationale. C'est sous cette pression que la ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui a une responsabilité dans cette affaire, a pris la parole dimanche dernier dans une émission de radio. Elle a dit – la formule est d'elle – qu'il était hors de question que le Remera arrête son travail, et qu'elle ferait en sorte qu'il trouve les financements pour continuer un travail utile : le recensement des conditions dans lesquelles naissent les bébés dans cette région.

Or, depuis dimanche, elle n'a rien fait. Un ministre qui dit quelque chose et qui ne le fait pas, c'est un problème. Des lanceurs d'alerte qui finissent à Pôle Emploi, c'est un problème. Madame Buzyn, faites à partir d'aujourd'hui ce que vous n'avez pas fait la semaine dernière : trouvez de l'argent pour le Remera, afin que la procédure de licenciement soit suspendue. Agnès Buzyn, on compte sur vous."