Affaire Ferrand : l'avocat à l'origine de l'opération immobilière enfonce le ministre

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A.H. , modifié à
Le Parisien a retrouvé l'avocat à l'origine de l'opération immobilière devenue en quelques jours "l'affaire Ferrand". Il dénonce un "enfumage" de la part du ministre.

"J'ai tout de suite compris la manœuvre, et cela m'avait choqué à l'époque". Après la révélation du Canard Enchaîné, mercredi dernier, d'une affaire concernant un "petit arrangement familial" immobilier de Richard Ferrand, actuel ministre de la Cohésion des territoires, Le Parisien publie lundi le témoignage de l'avocat à l'origine de l'opération. Et selon lui, "le dossier mériterait des investigations complémentaires". 

Une condition suspensive. Me Alain Castel, ancien bâtonnier de Brest à la retraite et spécialisé dans les recouvrances de créances, se souvient fort bien de cette opération. Et pour cause, ce montage immobilier lui avait paru, à l'époque, bien peu "éthique". En 2010, les Mutuelles de Bretagne, dont Richard Ferrand est alors le directeur général, achètent des locaux commerciaux à Brest pour ouvrir un centre de soins auprès d'une société civile immobilière (SCI) appartenant à la compagne de l'actuel ministre.

Selon Richard Ferrand, il n'y a pas dans cette affaire de "conflit d'intérêts". Or, Me Castel indique dans Le Parisien que le compromis de vente de l'immeuble, datant du 23 décembre 2010, signé de la main de Richard Ferrand, parle d'une "condition suspensive de conclusion d'un bail commercial entre la SCI devant substituer M. Ferrand et les Mutuelles de Bretagne".

Les explications de Ferrand ? "De l'enfumage". Si l'avocat accepte l'opération, c'est parce qu'elle "arrangeait tout le monde, à commencer par [son] client", reconnait-il. "Mais j'ai tout de suite compris la manœuvre, et cela m'avait choqué à l'époque. Richard Ferrand allait louer l'immeuble à la mutuelle et il allait s'enrichir avec tous les travaux à la charge de celle-ci. Il faut appeler un chat un chat", dénonce-t-il.

Après la révélation de l'affaire par Le Canard Enchaîné, Richard Ferrand a justifié le choix de la SCI de sa compagne par le fait que le bail proposé était le moins cher parmi les autres propositions. Mais pour Me Castel, cette explication n'est autre que "de l'enfumage !" "La vraie question c'est pourquoi Richard Ferrand n'a pas fait acheter l'immeuble par la mutuelle. C'était l'intérêt de celle-ci. Elle faisait un prêt, engageait des travaux et se retrouvait quinze ans plus tard propriétaire d'un bien largement fructifié. Or là, c'est la compagne de Richard Ferrand qui se retrouve dans cette position. C'est un schéma moins éthique", critique-t-il.

Un rapport a-t-il été produit ? Selon Le Canard Enchaîné, le procès-verbal du conseil d'administration de la mutuelle ne précise pas que la compagne de Richard Ferrand était la gérante de la SCI au moment de l’opération. "Est-ce que cela veut dire que Richard Ferrand a cherché à masquer que sa compagne allait piloter la SCI ?", questionne Me Alain Castel dans Le Parisien. Citant l'article L.114-32 du Code la mutualité, l'avocat explique encore que "ces conventions doivent être soumises à un commissaire aux comptes qui rédige un rapport spécial transmis ensuite à l'assemblée générale de la mutuelle, qui statue". Si un tel rapport a bien été produit et transmis, alors "il n'y a plus d'affaire Ferrand". Dans le cas contraire, "la justice doit examiner l'affaire de plus près".