À quoi servent les petits candidats dans les débats ?

Jean-Luc Bennahmias 1280
Jean-Luc Bennahmias a mis l'ambiance lors des deux premiers débats de la primaire de la gauche. © Bertrand GUAY / AFP
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Candidats raillés, candidats ignorés mais candidats… parfois bien utiles. Que ce soit pour imposer un thème ou une expertise, dessiner les premiers rapports de force ou donner un peu d'air à des débats très techno.

"Il met l'ambiance, mais il dessert le sérieux de la primaire. Les Français qui regardent les débats doivent se dire 'mais qui c'est, ce clown ?'" Dans l'entourage de l'un des candidats à la primaire de la gauche, on tape dur sur Jean-Luc Bennahmias auprès du Monde. Il faut dire que le président du Front démocrate a beau être un vétéran de la politique, il restait peu connu du grand public avant le début de la campagne. Il a donc eu l'occasion de se faire remarquer lors des grands oraux télévisés. Taquin, prompt à faire de grands gestes, complètement décalé, l'ex-EELV et ex-MoDem s'est chargé de l'animation.

Petits poucets méprisés. Comme Jean-Luc Bennahmias, les petits poucets des compétitions politiques sont généralement méprisés par leurs adversaires. "On se retrouve entre Copé et Kosciusko-Morizet. On est obligé de répondre à Monsieur Poisson ! Et de se retrouver au niveau de Le Maire !" se plaignait ainsi Nicolas Sarkozy avant le deuxième débat de la primaire de la droite, selon des propos rapportés par Le Canard Enchaîné. Ignorés, moqués, les candidats sûrs de ne pas gagner le scrutin ont pourtant bel et bien une place à se faire.

" On se retrouve entre Copé et Kosciusko-Morizet. On est obligé de répondre à Monsieur Poisson ! "

Imposer un thème. D'abord parce que ce sont parfois eux qui, profitant de l'expertise que leur confère leur couleur politique ou leur parcours personnel, imposent un thème de campagne. François de Rugy, ancien EELV et président du Parti écologiste, a ainsi donné de la voix dès que le thème de l'environnement a été abordé, dimanche soir, pour le second grand oral de la primaire de la gauche. Le député de Loire-Atlantique s'est payé le luxe de prendre de la hauteur et de recadrer le débat, reprenant par exemple les inexactitudes de Sylvia Pinel sur le nucléaire et l'indépendance énergétique de la France. La candidate du Parti radical de gauche avait d'ailleurs, elle aussi, la possibilité de s'illustrer sur les sujets chers à sa formation politique, comme la laïcité et la légalisation du cannabis. Mais elle ne s'en n'est pas emparée.

Pendant les débats de la primaire de la droite, Nathalie Kosciusko-Morizet avait, elle, trusté les discussions sur la fin du salariat. Et c'était bien le président du Parti chrétien-démocrate Jean-Frédéric Poisson qui, sur le thème du dialogue social, avait sonné la fin de la récréation. Soulignant au passage, non sans malice, qu'il était le seul des candidats à avoir créé une entreprise et à pouvoir parler en totale connaissance de cause.

Rapports de force. Par ailleurs, les petits candidats donnent aussi une idée, sur un plateau télévisé, des rapports de force. À gauche, Sylvia Pinel et, dans une moindre mesure, Jean-Luc Bennahmias et François de Rugy, ne ratent pas une occasion de défendre le bilan du quinquennat de François Hollande. Ce faisant, ils apportent un soutien non négligeable à l'ancien Premier ministre, qui se retrouve en revanche pilonné par Vincent Peillon. À droite, l'effet inverse s'était observé à l'égard de l'un des favoris du scrutin, Nicolas Sarkozy. Jean-François Copé comme Nathalie Kosciusko-Morizet n'avaient pas retenu leurs coups contre l'ancien président, se montrant beaucoup plus offensifs qu'Alain Juppé et François Fillon.

De l'air. C'est aussi sur la forme que ceux qui n'ont aucune chance de gagner se démarquent. Moins coincés que des favoris effrayés de commettre un impair, les petits candidats adoptent une liberté de ton qui donne un peu d'air à des débats très sérieux. Jean-Luc Bennahmias qui clame haut et fort avoir déjà fumé du cannabis "mais pas ce soir" ou Jean-François Copé se moquant de sa propre bourde sur le prix d'une chocolatine dérident un peu l'auditoire et leurs concurrents avec. L'apport politique est certes minime –quoi qu'un Manuel Valls à qui certains reprochent de ne jamais sourire peut peut-être en tirer un bénéfice en termes d'image- mais cela a au moins le mérite de réveiller les téléspectateurs (et les journalistes).

Enfin, pour ces candidats qui servent souvent de caution à une primaire manquant de diversité politique ou de femme, ces débats sont une occasion inespérée de se faire un nom. Jean-Luc Bennahmias aurait ainsi avoué, selon Le Canard Enchaîné, n'avoir déposé sa candidature "que pour participer aux trois débats télévisés".