Réforme pénale : Valls désavoue Taubira

Le premier flic de France est allé jusqu’à écrire directement à François Hollande pour court-circuiter sa collègue.
Le premier flic de France est allé jusqu’à écrire directement à François Hollande pour court-circuiter sa collègue. © MaxPPP
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avec AFP , modifié à
Les deux ministres s’opposent sur le projet de loi pénale. Hollande est invité à jouer l’arbitre.

L’INFO. François Hollande pensait avoir réussi un coup de maître : placer à l’Intérieur son homme le plus "à droite" - Manuel Valls - et à la Justice la plus "à gauche" - Christiane Taubira. Las, les deux ministres n’ont de cesse de se tirer dans les pattes. Et selon Le Monde, le premier flic de France est allé jusqu’à écrire directement à François Hollande pour court-circuiter sa collègue.

"L'écart entre nos analyses demeure trop important". Dans le viseur de Manuel Valls : le projet de loi pénale, très attendu, mais qui a pris un peu de retard. Christiane Taubira entend notamment limiter le recours à la prison, entre autres par l'introduction d'une "peine de probation". Ce qui n’est pas du goût de son "camarade" de la place Beauveau, qui s’en est ému directement au chef de l’Etat. "J'attire votre attention sur les désaccords mis en lumière par le travail interministériel (...) autour du projet de réforme pénale présenté par le ministère de la justice", a écrit le ministre dans une note adressée fin juillet à la présidence, révélée par Le Monde.

"Tant pour des raisons de méthode que de fond, l'écart entre nos analyses demeure trop important et appelle une clarification de nos orientations politiques", écrit le ministre, qui souhaite "que nous définissions collectivement les principes directeurs de cette réforme autant que les modalités de son déploiement".

Le texte "repose sur un socle de légitimité fragile". A l’Elysée , on se refuse pour le moment à tout commentaire. Jean-Marc Ayrault a lui, téléphoné à son ministre de l'Intérieur et va appeler sa ministre de la Justice. Dans l’entourage de Manuel Valls, on regrette que cette missive ait fuité dans la presse. "Il y a un projet de loi gouvernemental et des travaux préparatoires (…) Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que l'Intérieur exprime et ait sa ligne dans ce cadre", toujours selon l'entourage du ministre. Omniprésent cet été, Manuel Valls critique notamment l'automaticité de certaines réductions ou aménagements de peine, et juge que le texte "repose sur un socle de légitimité fragile". Il déplore enfin "le bref délai dans lequel est conduite la réflexion sur un projet de loi, techniquement dense et politiquement sensible", soulignant qu'il n'a été transmis à son cabinet que le 12 juillet.

Taubira "surprise". "Rien d’étonnant", assure l’entourage du ministre de l’Intérieur, sauf pour la garde des Sceaux. "Je ne peux que m'étonner qu'un tel document ne m'ait pas été communiqué", s'est offusquée la ministre dans le Monde, "d'autant qu'il comporte des propositions de réforme du droit de la peine, domaine qui ne ressort d'aucune façon aux compétences du ministre de l'intérieur." Christiane Taubira est "d'autant plus surprise" qu'elle a téléphoné à Manuel Valls le 29 juillet - soit quatre jours après l’envoi de la lettre - et qu'il ne lui en a pas soufflé mot. François Hollande, actuellement en vacances, va devoir trancher à son retour.