Quelle stratégie pour Hollande ?

Présidentielle : Hollande va arpenter les terres du Nord et de l'Est pour séduire l'électorat ouvrier
Présidentielle : Hollande va arpenter les terres du Nord et de l'Est pour séduire l'électorat ouvrier © MAXPPP
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Hélène Favier , modifié à
Le dilemme du candidat socialiste : gérer "la colère" du vote FN, sans céder sur ses valeurs.

Arrivé en tête au premier tour, toujours ultra-favori des sondages, crédité de 53 à 55 % des intentions de vote pour le second tour, François Hollande aborde les derniers jours de la campagne en position de force. Une position qui l'"honore" et l'"oblige", comme il l'a dit dimanche soir dans sa déclaration de Tulle. Une position qui dicte aussi la stratégie qu’il tiendra jusqu’au 6 mai. Que fera-t-il dans cette dernière ligne droite ? Ira-t-il chercher les électeurs du FN ? Voici la feuille de route du candidat socialiste.

• Gérer la course en tête

Depuis la primaire socialiste, François Hollande occupe la position de favori. Sa stratégie est donc toujours la même : il "gère la course en tête", sans prendre de grands risques, (à l’exception peut-être de sa mesure sur la taxation à 75% des salaires les plus riches). Dans cette optique, il n’a pas intérêt à multiplier les débats de l’entre-deux-tours, comme le propose le président sortant. "Aujourd’hui, [Nicolas Sarkozy] veut trois débats. Avant le premier tour, c'était deux. Peut-être qu'après le second tour, ce sera quatre ! Ce sera trop tard !", a ainsi ironisé l’élu de Corrèze avant de rappeler qu'il n'y a toujours eu qu'un seul débat.

Alors François Hollande est-il "en retrait" ? "Favori, François Hollande gagnera s’il ne commet pas d’impairs. Or, jusqu’à présent, il n’a fait aucune erreur grave. Il doit donc continuer sur cette lancée. Nicolas Sarkozy a évidemment prévu de l’attaquer durement, de porter un discours très à droite. Mais, les sondages créditent François Hollande de 10 points d’avance sur le président-sortant. Ils peuvent se tromper un peu, mais pas dans de telles proportions. Le candidat socialiste n’a donc pas intérêt à prendre de risques", explique à  Europe1.fr, Gérard Grunberg, directeur de recherche au Cevipof (centre de recherches de Science-Po).

Dans son équipe de campagne cette analyse est largement partagée : "Il doit rester cohérent, parce qu'on sait que Sarkozy ne peut pas l'être", note ainsi Olivier Faure, secrétaire général du groupe socialiste à l'Assemblée nationale et chargé de mission du candidat. "Il faut qu'il soit solide. Sarkozy a changé de direction. Lui a tenu la barre".

• Rassembler la gauche

François Hollande souhaite ensuite se présenter, à la veille du 6 mai, comme le candidat de la gauche rassemblée. A sa sortie du Conseil politique lundi, Delphine Batho, porte-parole du candidat, le clamait haut et fort : "la stratégie est le rassemblement. Il n'y en a pas d'autre". Selon un sondage BVA, François Hollande recueillerait 90% des votes de Jean-Luc Mélenchon, 36% de ceux de François Bayrou, et 20% de ceux de Marine Le Pen.

Sur ce front du rassemblement, François Hollande "a d'ailleurs été très clair, dès dimanche soir, saluant immédiatement les ralliements d’Eva Joly et de Jean-Luc Mélenchon", note Gérard Grunberg. Avec le Front de gauche, il y aura, très vraisemblablement "un accord pour la suite, pour les législatives", anticipe le politologue. Demeure l’équation centriste. François Bayrou a promis au soir du premier tour de "prendre ses responsabilités", sans donner, pour l’heure, de consignes de vote. Appellera-t-il à voter pour Hollande au second tour ? "Le centriste louvoie. Mais rien n’indique qu’il tranchera clairement pour l’un ou l’autre des candidats d’ici le scrutin", note l'analyste.

Pour le séduire, François Hollande n’ira d'ailleurs pas plus loin. "Nous n'allons pas pratiquer l'ouverture", a-t-il déjà promis, lundi en Bretagne, alors que plusieurs ex-ministres de Nicolas Sarkozy venus de la gauche ont appelé à voter pour lui le 22 avril. "Nous n'avons pas besoin d'aller chercher de l'autre côté, nous avons suffisamment de talents pour constituer des gouvernements".

• Quid des électeurs de Marine Le Pen

Dans une interview donnée à Libération, le socialiste a estimé qu'il lui appartenait désormais de "convaincre" l'électorat du Front national, "dont une part vient de la gauche". "Il faut parler à tous les républicains sincères qui ont à coeur l'intérêt de la France", a-t-il insisté dans cet entretien. L'élu de Corrèze a organisé son agenda dans ce sens : il ira auprès de cette France qui "souffre". Selon les informations d'Europe 1, il se rendra ainsi dans le Nord-Est et l'Est - à Hirson dans l'Aisne et à Metz en Lorraine - et délaissera le Sud pour faire le tour de ces zones désindustrialisées. 

"Dans les jours qui viennent, j'irai dans des régions où les résultats sont plus difficiles", a aussi confié le candidat au journal Le Monde. Cette France des "ouvriers qui se demandent de quoi le lendemain sera fait, des retraités qui n'en peuvent plus, des agriculteurs qui craignent pour la survie même de leur exploitation, des jeunes qui disent 'mais où est notre avenir' ?". 

La chasse aux électeurs du FN est-elle donc devenue une option pour l’élu de Corrèze ? "Pas vraiment", répond Gérard Grunberg. "Il peut évidemment envoyer un signal d’écoute. Mais il ne pourra pas aller plus loin, aller aussi loin que Nicolas Sarkozy. Il aurait tout à y perdre", analyse Gérard Grunberg.