Pourquoi le Sénat a rejeté le non-cumul

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L’AVIS DE - La fronde du Sénat était prévisible pour Olivier Duhamel, politologue.

L’INFO. C’est LE texte maudit pour le gouvernement. Depuis des mois, la question du non-cumul des mandats, promesse de campagne du candidat Hollande, crée des remous au sein de la majorité. Et ce n’est pas près de s’arrêter. La commission des Lois du Sénat a en effet rejeté, mercredi, le projet de loi interdisant le cumul d'un mandat parlementaire avec un mandat d'exécutif local. Rien de surprenant.

"Le Parti socialiste s’était prononcé contre". Olivier Duhamel, politologue et éditorialiste pour Europe 1, rappelle en effet que "c’est un caillou connu de longue date. Les sénateurs en général, et les sénateurs socialistes en particulier - pas tous - sont hostiles à ce texte. François Rebsamen et Gérard Collomb sont montés en première ligne. Ce sont des seigneurs, des maires de très grandes villes (Dijon et Lyon, Ndlr), qui ne doivent leurs élections qu’à eux-mêmes et qui donc refusent absolument de remettre en cause le fait qu’ils puissent avoir un mandat parlementaire."

François Rebsamen, Sénateur de Côte d'Or-Maire de Dijon 930x620

Une idée d’Aubry. Ce sujet risque d’autant plus d’agacer François Hollande que l’idée n’est pas de lui, mais figurait dans le programme de Martine Aubry lors de la primaire socialiste de 2011. "Même le Parti socialiste s’était prononcé contre après le fiasco du congrès de Reims (en 2008, Ndlr). Quand le PS allait très très mal, Aubry a engagé la rénovation avec deux points forts : primaire pour choisir le candidat à la présidentielle et fin du cumul des mandats", rappelle Olivier Duhamel. Ce qui peut expliquer que l’un des plus fidèles lieutenants du président, François Rebsamen (photo), président du groupe socialiste au Sénat, soit en première ligne dans ce combat.

L’ancrage local, "un argument fallacieux". Être maire et député ne permet-il pas de gagner en influence politique, tout en gardant le contact avec le terrain ? C’est l’argument favori des cumulards. Un raisonnement qui ne tient pas pour Olivier Duhamel car "un député a déjà un ancrage local. Il est élu au scrutin majoritaire et est obligé de passer au moins deux jours par semaine dans sa circonscription s’il veut être réélu. Il n’y a aucun besoin d’être maire pour avoir un ancrage local." Quant à l’argument avancé par les barons locaux pour justifier leur opposition farouche à cette promesse de campagne de François Hollande, le politologue a sa petite idée : "les cumulards mettent en avant cet argument un peu fallacieux car ils veulent concentrer tous les pouvoirs."

Olivier Duhamel, spécialiste du droit constitutionnel 930x620

"Pas de majorité unie" au Sénat. Si la pression contre cette réforme est constante depuis le début du mandat, le texte n’est pas enterré pour autant par cette décision des sénateurs. Comme c’est l’Assemblée nationale  - qui a déjà voté ce projet de loi en juillet dernier -, qui a toujours le dernier mot, la fin du cumul des mandats est quand même à l’horizon. La fronde des sénateurs - pas la première, ils ont déjà rejeté une dizaine de textes depuis le début du mandat - peut néanmoins surprendre quand on se souvient que la Haute assemblée a, pour la première fois, basculé à gauche en 2012. "Sauf qu’il n’y a pas une majorité de gauche, mais une majorité présidentielle très large, qui allait de François Bayrou à Jean-Luc Mélenchon. Or, le Front de gauche ne se reconnaît pas dans le gouvernement, et les radicaux de gauche marquent aussi leur autonomie. Donc il n’y a pas de majorité unie", rappelle Olivier Duhamel.