Pour Taubira, Dieudonné est un "pitoyable bouffon"

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Fabienne Cosnay , modifié à
Dans une tribune, la ministre de la Justice ne ménage pas l'humoriste controversé. 

Jamais elle ne cite son nom, comme pour mieux marquer son mépris. Dans une tribune publiée vendredi sur le Huffington Post et intitulée Ébranler les hommes, Christiane Taubira prend à son tour la parole pour s'exprimer sur l'affaire Dieudonné, alors que son collègue à l'Intérieur, Manuel Valls, est monté au front pour demander l'interdiction a priori des spectacles de l'humoriste.

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"Faut-il frayer avec les monstres ?" Sans le nommer donc, Christiane Taubira se livre à une attaque sans concession de Dieudonné. "Il est triste, infiniment triste, d'achever une année sur les pitreries obscènes d'un antisémite multirécidiviste", regrette la ministre de la Justice. "Faut-il frayer avec les monstres pour trouver quelque plaisir à se faire complice, après coup, de ce crime contre l'humanité ? Faut-il avoir rompu avec les hommes pour ne pas être saisi d'effroi à l'évocation de la machination démente qui a organisé le discrédit, la cabale, les rafles, le transport surencombré, la promiscuité, le tri à l'arrivée, l'entassement dans les camps, le rituel macabre de la procession jusqu'aux chambres à gaz ?", s'interroge Christiane Taubira.

La garde des Sceaux a choisi d'intituler sa tribune Ebranler les hommes, en référence à la citation de l'économiste Albert Hirschman : "Au nombre des choses capables d'ébranler les hommes, il y a le souci des autres". Christiane Taubira fustige aussi le public de Dieudonné. "Faut-il que son talent soit stérile pour qu'il n'ait d'autres motifs pour faire s'esclaffer des esprits irresponsables ou incultes ou pervers, qu'une tragédie, un génocide, un indicible drame ?", se demande t-elle.

"Ces ignominies sont des délits". Pour la ministre de la Justice, le cas Dieudonné ne relève pas du débat sur la liberté d'expression. "La liberté d'expression doit demeurer le principe. Ce principe ne peut servir de paravent à des ignominies. Ce qui relève du débat public doit être débattu. Ce qui relève de la Justice doit être sanctionné. Ces ignominies sont des délits. Elles sont matière pour la Justice", écrit Christiane Taubira. Alors que Manuel Valls propose l'interdiction des spectacles de l'humoriste controversé, Christiane Taubira se penche sur les sanctions et défend les magistrats. "La Justice n'a pas failli". Les procureurs ont poursuivi, les juges ont jugé. Les condamnations sont multiples. Il appartient aux magistrats d'apprécier le degré de gravité qu'induit la multirécidive. Mais il revient aussi à la Justice de veiller à l'exécution de ses décisions", souligne la garde des Sceaux. 

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La question de l'insolvabilité. Condamné à huit reprises, notamment pour antisémitisme ou injure raciale, Dieudonné doit plus de 65.000 euros d'amendes au Trésor public. Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a affirmé vendredi sur Europe 1 que "tous les services de l'Etat" allaient se mobiliser pour le contraindre à payer.  "Il a été condamné, il faut que la loi passe. Les services de l'Etat, qui savent ce qu'il en est, iront jusqu'au bout", a affirmé le ministre, estimant que l'humoriste tentait d'organiser son insolvabilité pour éviter d'avoir à payer. "L'organisation frauduleuse d'insolvabilité est punie par la loi", a rappelé vendredi Christiane Taubira. Si l'organisation d'insolvabilité, passible de  trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende, "est avérée, elle doit faire l'objet des diligences nécessaires", écrit la ministre.

 

 

"Descendre dans l'arène et résister". Si la sanction est nécessaire, elle ne sera pas suffisante, estime Christiane Taubira. "Pas lorsqu'un pitoyable bouffon spécule davantage sur les dividendes d'un scandale que sur les risques judiciaires", assène la ministre de la Justice. Pour lutter contre ces "provocations putrides [qui] testent la société", la garde des Sceaux demande à chacun de résister, de "descendre dans l'arène" afin de "faire reculer cette barbarie ricanante". 

Taubira, cible de Dieudonné. Christiane Taubira a fait les frais des "pitreries obscènes" de l'humoriste. Dans une vidéo postée sur YouTube en novembre, visionnée à ce jour par plus de 1,3 million d'internautes, Dieudonné revenait sur les propos tenus par une candidate FN, qui, face caméra, avait assumé un photomontage comparant la garde des Sceaux à un singe. "Je suis vraiment choqué. En tant que mâle chimpanzé originaire du Golfe de Guinée, comparer Christiane Taubira a une femelle chimpanzé, c’est insultant. Cela représente même une injure à l’égard des chimpanzés. Car aucun d’entre nous n’a jamais fait la promotion du mariage pour tous, non. Non, ce sont les bonobos dans la forêt qui suggèrent par leurs pratiques ce type de fonctionnement. Que vous la traitiez de bonobo, bon, à la limite…", avait commenté Dieudonné.