Numérique à l'école : "un déclic, mais les lourdeurs sont énormes"

Une école à Nice, en septembre 2013.
Une école à Nice, en septembre 2013. © REUTERS
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Louis Hausalter , modifié à
3 QUESTIONS A - Guy Mamou-Mani, président du Syntec Numérique, réagit à l'annonce par François Hollande d'un énième plan sur le sujet.

"Il va y avoir un grand plan numérique pour l'école de la République", a déclaré François Hollande, mardi à Clichy-sous-Bois, à l'occasion de la rentrée des classes. On n'en sait pas beaucoup plus pour l'instant : les modalités pratiques seront annoncées "d'ici à une quinzaine de jours", selon l'entourage du chef de l'Etat.

Il n'en reste pas moins que cette annonce en rappelle d'autres. En décembre 2012, Vincent Peillon, alors ministre de l'Education nationale, dévoilait une "stratégie numérique globale" pour l'école. Sous la présidence Sarkozy aussi, les ministres de l'Education se sont emparés du sujet. En 2009, Xavier Darcos lançait un "plan de développement du numérique dans les écoles rurales". Et en 2010, Luc Chatel programmait, sur trois ans, un "plan de développement des usages du numérique à l'école", qui s'est d'ailleurs soldé par un échec, selon un rapport de l'Inspection générale de l'Education nationale rendu en 2012.

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De fait, malgré ces nombreuses déclarations d'intentions, l'école française est cruellement en retard. En 2013, l'OCDE classait l'Hexagone au 24e rang européen concernant l'accès et la maîtrise du numérique à l'école. Europe 1 a interrogé Guy Mamou-Mani, président du Syntec Numérique, un syndicat de professionnels du numérique.

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François Hollande a annoncé un énième plan pour le numérique à l'école. Où en est-on vraiment ?

D'abord, il faut intégrer qu'à l'horizon d'une dizaine d'années, 90% des métiers seront concernés par le numérique. Cette transformation va toucher tous les secteurs. Or, sur le numérique, la France est très bien positionnée sur les diplômes de haut niveau. Les géants mondiaux du numérique attendent les bac+5 à la sortie de nos écoles, comme l'EPITA ou Centrale. Nous avons donc une culture élitiste du numérique. La problématique, c'est qu'il nous faut aussi une formation numérique massive, pour l'apprendre à l'école le plus tôt possible.

L'accumulation des annonces ne traduit-elle pas un échec ?

C'est vrai qu'on nous a annoncé beaucoup de plans. Mais il faut rendre hommage au précédent gouvernement, qui a initié des avancées, à la fois sur l'utilisation du numérique dans l'enseignement, et sur l'enseignement du numérique, qui sont deux éléments distincts. Sur le premier aspect, Fleur Pellerin et Vincent Peillon ont fait avancer les choses. Sur le second, Benoît Hamon a également joué un rôle, notamment avec l'enseignement du code informatique à l'école.

Le chantier du numérique à l'école a été laborieux, mais je sens un déclic ces dernières années. Et ce n'est pas une question de droite ou de gauche. C'est une question de civilisation, de maturation, et qui dépend évidemment des personnalités qui donnent l'impulsion. Mais ce n'est pas un combat politique, c'est un combat sociétal.

Où se situent les blocages ?

La France a toujours été à la traîne sur le numérique car c'est un vieux pays qui doit gérer l'existant. C'est vrai sur tous les sujets. Un exemple : avec mon entreprise, nous avons récemment obtenu un gros contrat pour équiper une école aux Pays-Bas. Mais à qui je m'adresse si je veux faire la même chose en France ? L'Education nationale, c'est monstrueux : il y a des lourdeurs énormes.

Certes, la volonté politique est maintenant véritablement là. Je crois notamment que Fleur Pellerin a réussi à faire passer le virus du numérique. Mais d'un autre côté, il y a toujours de l'obscurantisme, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit. Quand Arnaud Montebourg dit qu'il faut aller lentement sur l'innovation pour protéger les entreprises traditionnelles, quand Michel Sapin déclare qu'il n'aime pas Twitter, ce ne sont pas de bons signes. Notre pays doit s'appuyer sur ses atouts et son savoir-faire pour dépasser tout cela.

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