La démission fracassante de Matignon, vue par Jean François-Poncet

  • Copié
, modifié à
En 1976, après deux ans d'une collaboration houleuse avec le président Giscard d'Estaing, le premier ministre Chirac claque la porte de Matignon.

25 août 1976. Jacques Chirac est le premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing depuis mai 1974. Les relations exécrables entre les deux hommes ne sont un secret pour personne et Jacques Chirac, lassé d’être traité avec mépris – quand il n’est pas tout bonnement ignoré – par VGE, décide de claquer la porte de Matignon en août 1976. Avec un fracas jamais vu jusqu’alors.

 

Jean François-Poncet était secrétaire général de l'Elysée de janvier 1976 à novembre 1978. C'est lui qui a annoncé à la presse la démission de Jacques Chirac :

"Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing avaient décidé de se séparer. Il y a déjà plusieurs semaines que la décision avait été prise. Simplement Giscard partait en voyage, alors il avait demandé à Jacques Chirac de retarder un peu la date de sa démission.

Il est arrivé dans le bureau de Giscard. Je n'ai pas assisté à leur entretien, qui n’a pas duré très longtemps. A sa sortie, la presse l’attendait, et il a fait sa déclaration dans l’antichambre. Puis il a été à Matignon, où il avait une conférence de presse plus importante avec tous les médias. Et il a répété les mêmes phrases. C’étaient donc des phrases qui avaient été préparées, qu'il avait apprises par cœur et qu’il a répétées.

C’était une déclaration inhabituelle par rapport aux précédentes démissions de premier ministre. Parce que c’était une sorte de déclaration de guerre. Ce n’était pas le président qui lui avait demandé de démissionner, c’était lui qui s'en allait. S'il partait, c’était parce qu’on ne lui avait pas donné les moyens dont il avait besoin pour se charger de la fonction qu’on lui demandait d’exercer.

Je suis arrivé au secrétariat général de l'Elysée quelques semaines avant la démission de Chirac. Et je savais qu’il allait s’en aller. D‘ailleurs, la presse était pleine de rumeurs déjà, donc ça n’a pas été une surprise. C’est le caractère de cette démission qui en a été une. Aucune démission sous la Ve république n’avait pris un tel caractère offensif. Après il a fait le RPR. Tout cela faisait partie d’un plan.

Je ne lui ai pas parlé ce jour-là. Enfin si, je lui ai surement dit au revoir parce que je le connaissais depuis longtemps. Mais ce n’était pas une atmosphère dans laquelle on conduit une conversation… Giscard a toujours été dans ces cas-là extrêmement maître de lui et froid. Donc sur le coup, il ne traduisait aucune espèce d’émotion. Il avait déjà choisi le successeur, Raymond Barre, qui était ministre du commerce extérieur que personne n'attendait."

Henri Seckel