Journée Guy Môquet : entre hommage et polémique

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Il y a 46 ans jour pour jour Guy Môquet, un jeune résistant communiste, était fusillé à 17 ans par les Allemands. Il laissait à sa mère une lettre émouvante. Cette lettre d'adieu aurait dû être lue dans tous les lycées français, selon la volonté exprimée par le président de la République. Mais syndicats et enseignants font de la résistance et plusieurs cérémonies ont été chahutées.

"17 ans et demi. Ma vie a été courte. Je n'ai aucun regret si ce n'est de vous quitter tous..." Le 22 octobre 1941, Guy Moquet, un jeune résistant communiste, était fusillé par les nazis avec 26 autres personnes à Châteaubriant (Loire-atlantique) en représailles à la mort du lieutenant-colonel allemand Fritz Holz. Pressentant sa mort, il rédigeait une émouvante lettre d'adieux à sa mère de sa prison. "Ce que je souhaite de tout mon coeur, c'est que ma mort serve à quelque chose" ajoute le jeune homme. C'est cette lettre que Nicolas Sarkozy avait souhaité que le corps enseignant lise aux élèves dans les lycées en cette date anniversaire. Une circulaire avait été envoyée en ce sens au mois d'août par Xavier Darcos, ministre de l'Education nationale.

Les syndicats d'enseignants et de nombreux historiens ont vu dans cette journée de commémoration du 22 octobre consacrée à Guy Môquet, une manière d'imposer une histoire officielle de la Résistance. Pire, une récupération politique d'un fait historique. Car c'est bien Nicolas Sarkozy qui avait fait de la lettre d'adieu de ce jeune résistant, un symbole au moment même de sa prise de fonction le 16 mai dernier. "On ne peut obéir à une prescription du président en matière pédagogique", s'est indigné le Snes-FSU, syndicat majoritaire du second degré qui a appelé les enseignants à boycotter la "cérémonie". Pour éviter la polémique, le gouvernement a décidé de laisser le choix aux enseignants : lire la lettre de Guy Môquet, la faire lire par d'anciens résistants, l'accompagner d'autres textes ou se rendre sur des lieux de mémoire. Ce 22 octobre s'est donc transformé en "journée de commémoration de la Résistance". Quant aux professeurs qui ne désireraient pas participer à cette manifestation, ils pourront le faire sans risquer des sanctions.

Plusieurs manifestations ont cependant perturbé le bon déroulement des cérémonies. Des lycéens, étudiants, professeurs et militants de gauche ont manifesté lundi matin à Paris devant le lycée Carnot, où avait étudié Guy Môquet et où devait se rendre Nicolas Sarkozy pour dénoncer une "récupération politicienne". A Villejuif, Rachida Dati a été accueillie par les sifflets d'une cinquantaine de manifestants. Le ministre de l'Education nationale, Xavier Darcos, a lui aussi été accueilli fraîchement par des enseignants et des militants communistes dans son ancien lycée de Périgueux où il a lu la lettre de Guy Môquet devant plusieurs dizaines d'élèves. "En tant que ministre, j'ai fait ce qu'il fallait pour que ce document soit lu dans un contexte pédagogique", a-t-il déclaré devant l'entrée du lycée Bertran de Born où il fut élève de 1958 à 1965 avant d'y exercer en tant que professeur. Pour lui si "depuis le début il y a des réticences", il ne faut pas "que l'arbre cache la forêt" car "dans l'immense majorité des cas, cette lettre est lue sans difficulté".

Dans l'opposition, le PCF dénonce une volonté du chef de l'Etat de "réviser l'histoire" en "taisant l'engagement communiste" de Guy Môquet. Marie-George Buffet a d'ailleurs assisté dimanche à la commémoration sur le site de Châteaubriant. "C'est un message actuel qu'il faut porter, pas simplement la commémoration du passé", a souligné la secrétaire nationale avant de participer à un défilé coloré de drapeaux français et du PCF d'environ 1.500 personnes jusqu'au site où a été fusillé Guy Môquet derrière des enfants portant des pancartes où le mot "Paix" était traduit en plusieurs langues. Le PS met en garde contre une "instrumentalisation de l'histoire". Le président du Modem, François Bayrou, estime, lui, que "l'Etat ne doit pas se mêler de l'Histoire".