Erika : peine maximale requise contre Total

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Après presque quatre mois de procès, le parquet de Paris a présenté ses réquisitions cet après-midi contre les 15 prévenus du procès du naufrage du pétrolier Erika en 1999, dont le groupe Total et deux de ses filiales. La relaxe a été requise pour les 4 membres des secours. En revanche, le parquet de Paris a demandé la peine maximale pour la société Total, accusée de "pollution maritime".

C'était un réquisitoire très attendu au tribunal correctionnel de Paris. Les procureurs du procès de la catastrophe de l'Erika ont, après 4 mois d'audience, présenté les peines requises pour les 15 prévenus. D'ores et déjà, la relaxe a été requise pour les quatre membres des secours. Ils étaient poursuivis pour abstention volontaire de combattre un sinistre. Le parquet a mis en avant le manque de moyens du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) d'Etel et du Centre opérationnel de la marine (COM) de Brest "avec les difficultés techniques, les moyens plus ou moins performants et anciens", ou encore l'anglais mal parlé par le personnel. La procureur a aussi rappelé que par ce samedi de tempête, les secours étaient déjà très pris par "d'autres événements urgents" comme le sauvetage de voiliers à la dérive dans le golfe du Morbihan et les difficultés d'un vraquier risquant de s'échouer. Par ailleurs, la relaxe a également été demandée pour Bertrand Touille, le directeur des affaires juridiques du service Trading de Total. Dans le reste des réquisitions, le parquet a demandé à l'encontre de Total l'amende maximale de 375.000 euros pour "pollution maritime". En revanche, les magistrats ont réclamé la relaxe de la société concernant l'infraction de "complicité de la mise en danger de la vie d'autrui". Un an de prison, avec une possibilité de sursis, et l'amende maximale de 75.000 euros d'amende ont été requis contre Giuseppe Savarese, propriétaire de l'Erika, ainsi qu'à l'encontre du gestionnaire Antonio Pollara, pour avoir été "par imprudence et négligence" à l'origine d'une "pollution" et pour "mise en danger de la vie d'autrui". A l'encontre de la société de classification italienne Rina, chargée notamment d'inspecter les travaux effectués sur le bateau, le procureur Laurent Michel a réclamé aussi 375.000 euros maximum d'amende pour les deux infractions. Contre le capitaine indien, Karun Mathur, grand absent de ce procès qui s'est constitué partie civile mercredi dernier, le procureur a demandé une amende de 10.000 euros pour avoir pollué les côtes françaises et une relaxe pour la mise en danger de la vie d'autrui. Il est suspecté d'avoir mal piloté le navire dans la tempête. Le parquet écarte donc les importants arguments juridiques de Total, qui rappelle que les conventions internationales écartent la responsabilité de l'affréteur dans les naufrages, sauf cas exceptionnel. Au coeur de l'accusation : la procédure de contrôle des navires affrétés propre à Total, appelée en jargon de la profession le "vetting", dont les failles supposées expliquent, pour le parquet, l'accident. Les avocats de Total ont expliqué pendant le procès que le vetting, non obligatoire, n'avait aucune conséquence juridique sur la responsabilité de la compagnie. La société dit avoir été victime d'un "vice caché" du navire et a rejeté la responsabilité de l'affaire sur les autres prévenus, notamment le Rina, le propriétaire du navire Giuseppe Savarese et Antonio Pollara. Ce procès ouvert le 12 février est une "première" en matière de transport maritime. Le pétrolier Erika, vieux de 24 ans et battant pavillon maltais, s'était brisé en deux le 12 décembre 1999 dans une tempête et avait sombré au large des côtes bretonnes, déversant 20.000 tonnes de fioul sur 400 km de côtes, tuant des dizaines de milliers d'oiseaux et ravageant la faune et la flore marines. De l'avis général, les audiences de ce procès n'ont pas permis de faire évoluer de manière significative les très épineux problèmes juridiques posés, dont la solution aura de lourdes conséquences financières. Les parties civiles sont au nombre d'une centaine (régions Pays de la Loire, Bretagne et Poitou-Charentes, départements Vendée, Loire-Atlantique, Finistère et Morbihan, communes, associations, particuliers). Leurs avocats ont plaidé ces deux dernières semaines pour demander un total d'environ un milliard d'euros de réparations à tous les prévenus, dont 153 millions d'euros pour l'Etat français. Ils sollicitent du tribunal de réparer, outre les préjudices matériel et moral, seuls reconnus par la loi actuellement, le "préjudice écologique", une nouvelle notion.