Dur dur d'être porte-parole du PS…

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VIS MA VIE DE - Les soubresauts de la majorité, c'est leur pain quotidien, sept jours sur sept. Ils sont quatre. Et ils sont fatigués.

L'INFO. Rien ne va plus au Parti socialiste. Mardi, 39 députés de la majorité se sont abstenus de voter le volet recettes du budget 2015. Mercredi, Benoît Hamon, ancien ministre de l'Education, a affirmé que la politique budgétaire menée par François Hollande et Manuel Valls "menace la République" et mène vers un "immense désastre démocratique" en 2017. Le même jour, Manuel Valls laissait entendre dans L'Obs qu'il n'était pas contre un changement de nom du PS. Ce qui a provoqué la colère de Jean-Christophe Cambadélis, patron de la rue de Solferino, et de Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale. Difficile de faire plus cacophonique.

>> Europe1.fr s'est demandé comment les quatre porte-parole du Parti socialiste, en première ligne, vivent ces jours agités. Nous avons donc appelé :

Carlos Da Silva, l'infiltré

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Suppléant de Manuel Valls, cet instituteur de profession, âgé de 40 ans, l'a remplacé en tant que député de l'Essonne quand son ami a été nommé ministre de l'Intérieur. Da Silva/Valls, le tandem ne date pas d'hier. Plus de dix ans que les deux hommes marchent main dans la main. "Moi, je suis un cas très particulier, puisque je suis proche du Premier ministre", reconnait-il sans ambages.

Juliette Méadel, la relève

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Secrétaire nationale à l'Industrie depuis le congrès de Toulouse de 2012, avocate d'affaires de profession, cette énarque de 39 ans a également joué le rôle de conseillère de Ségolène Royal lors de la campagne présidentielle de 2007, avant de se rapprocher de François Hollande. Elle est nommée au porte-parolat à la fin du mois d'août dernier.

Olivier Faure, l'expérimenté

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A 46 ans, son CV est le plus long de la bande : conseiller de Martine Aubry au ministère de l’Emploi de 1997 à 2000, directeur adjoint du cabinet de François Hollande, alors Premier secrétaire du Parti socialiste, de 2000 à 2007, chargé de la communication du même François Hollande pendant la primaire socialiste de 2011, expert "opinion" auprès du candidat socialiste pendant la présidentielle puis conseiller spécial du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Élu député de la  Seine-et-Marne en juin 2012, il devient ensuite porte-parole du PS en avril 2014.

Corinne Narassiguin, la repêchée

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Élue députée des Français de l'étranger (États-Unis et Canada) en juin 2012, cette Réunionnaise de 39 ans a ensuite vu son élection annulée par le Conseil constitutionnel, en février 2013. Un coup dur pour cette valeur montante du PS, qui s'est notamment fait remarquer en portant à l'Assemblée nationale le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Une bonne raison de lui offrir le porte-parolat.

OMNIPRÉSENCE

Ils sont partout. Radios, télés, presse écrite, vous ne pouvez pas les avoir ratés ces deux derniers jours. "Oui, mon téléphone a chauffé ! J'ai commencé très tôt hier matin (mercredi, ndlr), et je pense que j'ai parlé à tous les médias dans la journée. Je suis même passé trois fois sur les chaines d'info !", confirme Olivier Faure. Ses trois collègues ont eux aussi payé de leur personne. Mais ils en ont (presque) l'habitude. "J'ai été nommée juste avant le départ de Montebourg du gouvernement, puis on a eu le livre de Trierweiler dans la foulée, et le bonus Thévenoud. J'ai été bien baptisée", se marre Juliette Méadel, la petite dernière du quatuor. "Oui, je suis beaucoup plus sollicité en ce moment", s'amuse aussi Carlos Da Silva "En ce moment, c'est un peu difficile. Il faut surtout faire attention à ne pas alimenter la machine à polémique", abonde Corinne Narassiguin..

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ORGANISATION

"Faire attention", car les socialistes partent un peu dans tous les sens. "Le Parti socialiste va finir en charpie", assène même Rémi Lefebvre, politologue spécialiste de la gauche, dans Le Monde daté de vendredi. Des clivages qui n'inquiètent pas. Du moins officiellement. "Le paradoxe, c'est que l'on a parfois des expressions outrancières, des éclats de voix violents, alors que les écarts idéologiques sont finalement assez faibles. C'est assez désarmant mais à la fin du débat, on se retrouve toujours ensemble", assure Olivier Faure. "Je ne suis alignée ni sur la ligne Valls ni sur celle de Hamon, mais c'est ça le PS !", démine Juliette Méadel.

Pour s'organiser, les quatre porte-parole "se voient le lundi". "On discute entre nous pour essayer d'homogénéiser notre parole", raconte Olivier Faure. "Et on se passe plusieurs coups de fil dans la semaine pour se caler", poursuit Carlos Da Silva, qui assure que "personne ne [lui] donne d’instructions." Et en cas de doute, les voix du PS, pour accorder leurs violons,  s'en réfèrent à leur chef d'orchestre : "on se voit régulièrement avec Cambadélis et on n'hésite pas à l'appeler en cas de doute", affirme Olivier Faure.

FRUSTRATION

Un travail main dans la main nécessaire pour porter efficacement la ligne du parti et défendre, aussi, les décisions du gouvernement. Une gageure par les temps qui courent. Un mot revient unanimement dans leur bouche : frustration. "Absolument ! C'est très rare que l'on ait du temps pour s'exprimer en profondeur sur un sujet. Souvent, je suis conviée sur un plateau pour parler de tel texte voté et, finalement, on m'interroge sur la dernière pique d'un frondeur", regrette Corinne Narassiguin. "Je suis davantage appelé pour parler de sujets qui font le buzz plutôt que sur des sujets de fond. Il y a des moments où c'est extrêmement frustrant de se taper des heures de transport pour parler deux minutes d'un sujet polémique…", plussoie Olivier Faure, avant de glisser que sa "propre famille se pose parfois la question de l'intérêt de ce que je fais au quotidien… Ce n'est pas une punition, c'est un honneur de porter la parole de mes camarades, mais cela le devient quand il s'agit de commenter la dernière saillie d'untel ou untel…"

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Juliette Méadel est plus optimiste. "Non il n'y a pas de frustration à avoir, c'est notre job de politique de savoir sortir par le haut d'une politique politicienne en rebondissant sur le fond.  La frustration vient davantage de l'immaturité de certains responsables politiques." Optimiste car en poste depuis moins de trois mois ?

FATIGUE

Si elle rejette la frustration exprimée par ses camarades, Juliette Méadel les rejoint sur un autre point, qui là fait l'unanimité : ils sont épuisés ! "C'est fatiguant, surtout en ce moment. Je ne m'attendais pas à ce que ça le soit autant. C'est un job à plein temps, sept jours sur sept. Je commence à 6h du matin et des journalistes m'appellent parfois jusqu'à plus de minuit", reconnaît-elle. Un exemple : mercredi soir, elle était en direct et en plateau sur Europe 1, à 22h30. "Il est très compliqué d'avoir une vie privée, d'autant que je ne suis pas une professionnelle de la politique, j'ai un emploi à plein temps…et des enfants ! En ce moment, je suis vraiment fatiguée…", admet-elle.

"On ne fait pas de la politique parce que c'est facile… mais il y a une usure, c'est vrai. Cela me semble difficile de faire ça efficacement plus de deux ou trois ans", estime Corinne Narassiguin. Ce qu'Olivier Faure confirme. Mais tous disent de leur fierté d'occuper ce poste. "C'est un sacré boulot, mais passionnant ! Après, peut-être que je ne vous dirai pas la même chose dans deux ans", se marre Juliette Méadel. Fatiguant, prenant, frustrant, vis ma vie de porte-parole du PS.