Déportation : la condamnation de la SNCF annulée

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Administrator User , modifié à
La cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé la condamnation de la SNCF prononcée en juin en première instance pour son rôle supposé dans la déportation pendant la Seconde Guerre mondiale. La justice administrative s'est déclarée incompétente. Les plaignants ont annoncé leur intention de déposer un recours en Conseil d'Etat. Cette décision de la justice administrative ne ferme pas totalement la porte à d'autres procédures mais leur succès devient improbable.

La cour administrative d'appel de Bordeaux souligne que la compagnie ferroviaire n'avait aucune autonomie de décision pour les déportations, décidées par les Nazis avec la complicité du régime de Vichy. La SNCF a agi sous le régime de la demande de "mise à disposition" ou de la "réquisition d'une autorité administrative", à savoir le gouvernement de Vichy, rappelle la cour dans son arrêt. Il n'y a pas eu de convention spéciale organisant les transports de déportés et ce sont les Nazis et les autorités de Vichy qui fixaient jusqu'aux conditions de transport, ajoute-t-elle. "La SNCF ne peut être regardée comme ayant, par les prestations requises, assuré l'exécution d'un service public administratif ni davantage comme ayant disposé de prérogatives de puissance publique", précise la cour. Le 6 juin, le tribunal administratif de Toulouse (Haute-Garonne) avait condamné l'Etat et la SNCF à verser 62.000 euros de dommages et de frais de justice à quatre membres de la famille du député européen des Verts Alain Lipietz. Son père fut transféré le 10 mai 1944 de Toulouse au camp de Drancy, en région parisienne, avant d'être libéré en août 1944. Pour Hélène Lipietz, qui était partie civile au procès de sa famille contre la SNCF, la cour "a botté en touche". "Mais nous irons devant le Conseil d'Etat auquel la cour laisse le soin de se prononcer sur la compétence mais aussi la prescription des faits sur laquelle elle ne dit rien et sur le fond du dossier", a-t-elle dit. La décision de la cour administrative était très attendue car, depuis le jugement de première instance au mois de juin dernier, environ 2.000 anciens déportés ou membres de familles de déportés ont engagé des procédures similaires. L'enjeu financier potentiel était donc lourd pour la SNCF, qui nie toute responsabilité dans ce dossier et rappelle que de nombreux cheminots se sont illustrés dans la Résistance. Cette décision de la justice administrative ne ferme pas totalement la porte à d'autres procédures devant la justice pénale ou la justice civile mais leur succès devient improbable compte tenu des attendus de la décision, qui dédouanent la SNCF. Les plaignants ont annoncé leur intention de déposer un recours en Conseil d'Etat. Les avocats de la SNCF estiment que la décision établit clairement qu'elle n'est pas responsable. Pour Me Yves Baudelot, avocat de la SNCF, "cette décision montre que la SNCF agissait sous la contrainte et n'avait pas de marge de manoeuvre". "Je pense que cette décision est extraordinairement importante et pèsera lourd", a-t-il ajouté. La SNCF pourra aussi s'appuyer sur cette décision dans la procédure engagée en mars à New York contre elle et la Caisse de dépôts par des déportés et des enfants de déportés. L'Etat français, dont la co-responsabilité dans l'Holocauste a été reconnue par d'autres décisions de la justice pénale et administrative, n'avait pas fait appel de la décision de juin. La condamnation de la SNCF, qui s'appuyait notamment sur les factures envoyées par la SNCF à l'Etat pour certains trains de déportation, avait suscité de vives critiques, y compris dans le camp des associations d'anciens déportés. Environ 75.000 Juifs de France ont été déportés pendant l'Occupation et seuls 2.500 sont revenus vivants des camps de la mort nazis. Aux Etats-Unis, la compagnie ferroviaire a pris comme avocat Arno Klarsfeld, fils du célèbre chasseur de nazis Serge Klarsfeld qui a joué un rôle-clef dans la mise au jour de la responsabilité de Vichy.