Cette explosive loi d’amnistie sociale

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POLEMIQUE - UMP, Front de gauche et syndicats critiquent le texte voté. Au milieu, le gouvernement.

Un geste d’apaisement qui provoque… la colère. Mercredi, le Sénat a adopté de justesse une loi d’amnistie des délits et sanctions pour des faits commis lors de mouvements sociaux, en partie pour satisfaire l’aile gauche de la majorité, à l’initiative de ce texte. Mais si, au moment où les plans sociaux se multiplient, la majorité a voulu faire un geste "social", cette loi pourrait s’avérer risquée politiquement.

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Le PS se félicite. "Il s'agit, ici, de faire œuvre de justice", s’est réjouie la ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui a soutenu le texte, tout en en minimisant la portée puisqu’il ne concernera qu’une dizaine de cas, selon elle. "Il fallait à la fois tendre la main, car il n'est pas forcément facile aux organisateurs de mouvements sociaux de prévenir les débordements, tout en protégeant les biens et les intérêts des tiers", a expliqué Virginie Klès, sénatrice socialiste, auteur de l'essentiel des amendements adoptés, pour justifier la décision de ne pas procéder à une amnistie générale, comme le réclamait le Front de gauche.

"La place des syndicalistes n'est pas dans les prétoires, ni dans les prisons, mais auprès des salariés. Ce texte n'est pas un chèque en blanc, mais un geste d'apaisement, dans un contexte économique très difficile", a de son côté plaidé Jean-Marc Germain, député des Hauts-de-Seine.

>> Pour notre éditorialiste Caroline Roux, la majorité a voulu faire un cadeau aux communistes en échange de la paix sociale au Sénat.

Mais sur sa gauche, ça râle… Pendant la discussion, des militants du Front de gauche et des syndicalistes s'étaient rassemblés devant le Sénat pour soutenir ce texte. Jean-Luc Mélenchon a même assisté au débat depuis les tribunes du public. Mais la loi, qu’il juge édulcorée et vidée de sa substance, ne le "satisfait pas". "Il n’y a dedans ni les faucheurs d’OGM, ni les parents qui ont accueilli les enfants qu’on voulait expulser. Ce que j’ai vu Sénat m’a consterné. J’ai vu des socialistes et des radicaux - c’est eux les plus épouvantables - à vouloir mégoter, retirer de la loi ceci ou cela", a éructé le leader du Front de gauche sur BFMTV, mercredi. Si elle voulait s’acheter la paix sociale au Sénat, la majorité s’offre finalement un nouveau sujet de conflit avec son ancien camarade...

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… et à droite aussi. Dans les rangs de l’opposition, on est vent debout contre cette "décision ahurissante", selon l’expression d’Eric Woerth. "Alors que souffle dans le pays un vent de colère assez considérable, c'est aussi une gifle au dialogue social puisque c'est le contraire du dialogue social, et c'est aussi une manière assez curieuse d'intervenir sur les décisions de justice", a taclé l’ancien ministre du Budget sur Europe 1, vendredi matin.

"Voulons-nous d'un pays où le militantisme syndical sème la pagaille, ou la terreur ?" a renchéri Pierre Charon, un proche de Nicolas Sarkozy. Valérie Pécresse a, elle aussi, fait part de son indignation sur son compte Twitter :

Syndicats et patrons en colère. Le patronat a également du mal à digérer. A l’approche des élections au Medef, Laurence Parisot a profité de l’aubaine pour faire entendre sa voix, vendredi sur Europe 1, et regretter  "un signal en faveur de l'antagonisme, du conflit, un appel au cassage" alors que "c'est exactement le contraire dont nous avons besoin." "La violence ou la dégradation de l'outil de travail ne sont pour finir, au regard de ce texte, pas si graves que cela et ne méritent plus en France en 2013 de sanctions ! Clémence pour les syndicalistes !", a abondé la CGPME.

En voulant apaiser sa turbulente aile gauche, mais sans faire preuve de laxisme pour autant, la majorité a donc tout perdu : Mélenchon est encore plus en colère, la droite a trouvé un autre angle d’attaque et les syndicats grognent. Un texte perdant-perdant, en somme.