Aux origines du "front républicain"

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avec agences , modifié à
Cette stratégie d'union entre camps politiques opposés a été inaugurée en 1956 face à Poujade.

Depuis la publication des résultats du premier tour des élections cantonales et la poussée du FN, le terme "front républicain" fait son retour dans l’actualité. L'expression désigne l'alliance électorale improvisée entre plusieurs camps politiques, a priori opposés, mais qui s'unissent pour l’occasion afin de défendre certaines valeurs de la République.

Inauguré en 1956 contre Poujade et…Le Pen

Le premier "front républicain" a été inauguré juste avant les législatives de 1956 pour trouver une issue à la guerre d'Algérie : le but est alors de contrer le mouvement de Pierre Poujade, l'Union de défense des commerçants et artisans (UDCA).

Autour de Pierre Mendès France, leader du Parti radical, se constitue un "front" qui regroupe Guy Mollet (SFIO, futur PS), François Mitterrand (alors à l'UDSR) et Jacques Chaban-Delmas, figure du gaullisme. Le PCF n'y figure pas.

"Il y a alors un danger essentiel : c'est le danger poujadiste. Il s'agit aussi de s'unir et de trouver une solution négociée à la guerre d'Algérie", explique Christophe Bellon, maître de conférence d'histoire contemporaine à Sciences Po.

Le premier front recueille 30% des voix

La formule est trouvée à la va-vite par le journaliste Jean-Jacques Servan Schreiber, fondateur de L'Express, au lendemain de l'annonce de la dissolution de la Chambre par le président du conseil Edgar Faure début décembre 1955.

Aux élections du 2 janvier 1956, les listes sous l'étiquette "Front républicain" obtiendront quelque 30% des voix et 185 sièges à l'Assemblée. Le leader de la SFIO, Guy Mollet, sera préféré à Pierre Mendès France pour prendre la présidence du Conseil. Le Bloc-notes de François Mauriac revient en longueur sur cet épisode dans une vidéo archivée par l’INA.

Succès mitigé et éphémère

Mais ce succès "est assombri par le brutal surgissement du mouvement de Poujade. A coup de slogans antiétatiques et chauvins, cet avatar du vieil antiparlementarisme français s'est assuré 2,5 millions de voix. Il conquiert 52 sièges", relève Jean Lacouture dans sa biographie de Pierre Mendès France. Parmi les députés poujadistes, le benjamin de l'Assemblée, un certain Jean-Marie Le Pen, 27 ans à l'époque, et dont la fille Marine est aujourd'hui au cœur du débat sur un éventuel nouveau "front républicain". Rapidement, le front républicain finira par ne plus se résumer qu'à la seule SFIO, avant de mourir de sa belle mort avec l'enlisement du conflit algérien et le retour du général de Gaulle.

La formule est restée et désigne depuis les appels à l’union lors des percées électorales du Front national, notamment pendant les élections municipales de 1995 et surtout lors du second tour de la présidentielle de 2002, opposant Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen. Dès l'annonce de la présence de ce dernier au second tour, plusieurs leaders politiques de gauche lancent des appels à voter contre le FN, et donc pour Jacques Chirac.

Certes, le PS ne fait pas campagne pour le candidat de droite, mais il distribue abondamment pendant l'entre-deux-tours des tracts appelant les électeurs à faire "barrage à l'extrême droite". Un tel appel n'est pas toujours chose aisé, comme le rappelle à l'époque le quotidien Libération : "Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, estime lui qu' 'il faut faire attention à la formulation, dire qu'on fait barrage à Le Pen et bien insister sur le fait qu'on votera Chirac la mort dans l'âme'".