Arthaud : la lutte sans révolution

Nathalie Arthaud est la candidate de Lutte ouvrière (LO) pour la prochaine élection présidentielle. Une première pour elle.
Nathalie Arthaud est la candidate de Lutte ouvrière (LO) pour la prochaine élection présidentielle. Une première pour elle. © MAXPPP
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PORTRAIT – Qui se cache derrière Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière à la présidentielle ?

Depuis qu’elle a repris le flambeau de la très charismatique Arlette Laguiller en 2008, la "porte-parole" de Lutte ouvrière peine à se faire entendre. Pourtant, depuis bientôt trois ans, la nouvelle "voix" des travailleurs prend très à cœur ses nouvelles fonctions. Candidate du parti à la prochaine présidentielle, Nathalie Arthaud prendra une nouvelle fois le micro ce week-end, lors de la fête de Lutte ouvrière, pour défendre les intérêts des travailleurs avec autant de vigueur qu'a pu le faire sa prédécesseure.

Nathalie Arthaud marche-t-elle alors dans les pas d'Arlette Laguiller ou a-t-elle déjà imprimé sa marque ? Europe1.fr a cherché à savoir qui se cache derrière la candidate "Arthaud".

"C’est la famine en Ethiopie qui m’a marquée"

 

Les mauvaises langues ne retiendront qu’une dimension mimétique avec Arlette Laguiller. Une ressemblance dans le ton, dans le verbe et même dans la coiffure. Mais Nathalie Arthaud, 41 ans, originaire de la Drôme, n’en a que faire. Bien au contraire. Si elle trouve "bête" de parler de mimétisme dans le style, la nouvelle porte-parole de LO dit "mille fois oui au mimétisme dans le discours". "Si on entend la voix d’Arlette dans mes discours, je serais satisfaite", assure-t-elle à Europe1.fr.

Car pour cette conseillère municipale de Vaux-en-Velin, dans le Rhône, le fond prime sur la forme. Et le collectif sur l’individuel. "J’apporte mon petit chaînon à cette grande chaîne du mouvement ouvrier (…). Je ne me sens pas au-dessus des autres camarades", confie-t-elle. Une modestie qui ne doit pas dissimuler un sentiment de révolte exacerbé. "A 16 ans, c’est la famine en Ethiopie qui m’a marquée. Je me suis demandé comment on pouvait laisser mourir autant de gens", dit-elle. Une révolte qui s’est transformée en militantisme, trois ans plus tard, après une rencontre avec des militants de Lutte Ouvrière. Car "à la maison, il n’y avait pas de politique", confie Nathalie Arthaud, fille d’un couple de commerçants retraités. Son père était garagiste. "Je ne vois pas mon père comme commerçant, mais plutôt comme un travailleur. Il avait du cambouis sur les mains tous les jours", se souvient-t-elle.

Une initiation aux idées d'extrême gauche peut-être moins naturelle que pour Arlette Laguiller, mère fondatrice du mouvement ouvrier en 1968, ex-employée du Crédit Lyonnais, qui a bercé dès son plus jeune âge dans l'idéal révolutionnaire auprès d'un père ouvrier plutôt du genre anarchiste.

 

Une prof comme les autres

Dès lors, qu’est-ce qui a bien pu pousser cette fervente opposante au système capitaliste à devenir professeure d’économie ? "Ça m’intéressait. J’ai compris que les économistes étaient à peu près incapables de maîtriser l’économie. Leurs théories sont très utiles pour comprendre le passé, pas tellement pour anticiper", explique-t-elle aujourd’hui.

Une révolutionnaire dans l’âme professeure d'économie au lycée, est-ce compatible ? "J’ai toujours fait le programme. Mais dans le programme, il y a aussi le fait de faire réfléchir les élèves. Je cherche à ce que chacun construise son esprit critique. Ça fait partie du métier d’enseignant", répond Nathalie Arthaud. "Ils savent très bien qui je suis", ajoute-t-elle, même si aujourd’hui c’est davantage l’informatique et la communication qu’elle enseigne à ses élèves de STG d'un lycée professionnel d’Aubervilliers.

"Je n’ai rien à dire à Madame Bettencourt"

Une profession que Nathalie Arthaud doit, quand cela est nécessaire, mettre entre parenthèses pour aller sur le terrain et jouer pleinement son rôle de porte-parole. Une nouvelle responsabilité qui, elle le reconnaît, lui donne "sans doute plus de stress et de tension". Et du stress, la candidate Lutte Ouvrière risque d’en avoir encore d’ici 2012. Lancée dans un tour de France, Nathalie Arthaud a prévu de visiter 95 villes d’ici Noël. Egalement au programme, 42 meetings recentrés sur les grandes villes. "On se déplace à la rencontre des travailleurs, pas des Français. Je n’ai rien à dire à Madame Bettencourt", prévient-elle toutefois.

"Conforter" les travailleurs

Décrite par ses proches comme "quelqu’un qui ne lâche pas le morceau", la candidate Lutte Ouvrière compte "semer dans la tête des travailleurs l'idée qu’ils ont le droit de se défendre". Et en la matière, Nathalie Arthaud n'a pas été choisie au hasard pour  succéder à Arlette Laguiller. Dès 2005, six candidates ont été mises en scène parmi lesquelles Nathalie Arthaud. Chacune d'entre elles a dû faire ses preuves pendant les législatives de 2007. C'est finalement Nathalie Arthaud qui a été choisie. "Si on l'a choisie, c'est qu'elle en a les capacités. Elle est la meilleure représentante des militantes de LO", assure aujourd'hui à Europe1.fr Arlette Laguiller.

Mais attention. Ceux qui s'imaginent déjà une Nathalie Arthaud fer de lance d'une nouvelle révolution prolétarienne devront calmer leurs ardeurs. "On ne va pas déclencher des révoltes sociales, mais conforter des millions de travailleurs pour prendre le contre-pied du chantage qu’on entend tous les jours", explique Nathalie Arthaud.

Cette dernière continuera donc la lutte, sans pour autant engendrer une révolution dans la rue ou dans le discours. C'est peut-être aussi ce qui explique que, dans l'esprit collectif, Arlette Laguiller est toujours aussi présente. Pour les deux femmes, le communisme révolutionnaire reste une idée neuve. Le programme de Nathalie Arthaud pour la présidentielle est peu novateur par rapport aux propositions de l'ancienne porte-parole du parti : expropriation des banquiers,  fusion de toutes les banques en une seule, ou encore l'interdiction des licenciements. Une constance toutefois bien vue des militants. "Je suis assez contente de voir qu’il y a une vraie continuité avec Arlette. On se plaint tellement du fait que les politiciens retournent leur veste. En cette période particulièrement difficile pour les milieux populaires, c’est important d’avoir quelqu’un qui continue avec autant de combattivité", se félicite ainsi la militante Sophie Robin.

Et Nathalie Arthaud reste lucide. "Je sais que je ne serai pas élue, mais cette élection permet de m’exprimer. Je vais tout faire pour faire connaître mes idées", garantit la candidate, par ailleurs certaine de réunir les 500 signatures nécessaires pour pouvoir se présenter : "On les aura en février comme il se doit. On a l’expérience pour ça".

Laguiller dans l’ombre

Une campagne électorale pour laquelle la candidate sera bien entourée, avec derrière elle un mouvement "convaincu que le flambeau est bien repris", assure Sophie Robin, militante LO. Arlette Laguiller, candidate historique de Lutte Ouvrière ces trente dernières années sera également à ses côtés. "J'essaie de lui faire partager l'expérience de mes six campagnes présidentielles. Mais la campagne de LO reste une campagne collective", explique à Europe1.fr l’ancienne porte-parole du parti.

"On travaille beaucoup ensemble", confirme Nathalie Arthaud. "Quand je suis à Paris, je vois Arlette Laguiller quasiment tous les jours. Elle relit certaines de mes interventions. Elle a un rôle important, surtout pour moi", confie-t-elle.

“Je m’emploie à me faire connaître”

Toutefois, Nathalie Arthaud va devoir aussi batailler dur pour étendre son assise électorale. Les dernières enquêtes Ifop la donne autour de 0,5%, "des scores extrêmement bas", explique à Europe1.fr Frédéric Dabi, directeur de l'Ifop. Pour le politologue, Nathalie Arthaud est actuellement "dans une phase de construction de sa notoriété". "Je m’emploie à me faire connaître", assure pour sa part la candidate LO.

Mais pas question pour autant de tomber dans les travers de la "peopolisation" de la vie politique. Comme c'était le cas du temps d'Arlette Laguiller, une once de mystère entoure  aujourd'hui Lutte Ouvrière et la vie de ses dirigeants. A ce niveau là aussi Nathalie Arthaud marche dans les pas d'Arlette Laguiller et met un point d'honneur à séparer son action de militante du reste. "Beaucoup me découvriront sous l’angle politique, c’est l’essentiel, ma vie personnelle c’est ma vie personnelle, conclut Nathalie Arthaud.