Carole Bienaimée-Besse 4:10
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Margaux Baralon
Laurence Bachman, productrice, et Carole Bienaimé-Besse, conseillère au CSA, étaient jeudi dans "Culture Médias" pour évoquer les questions de parité. Selon elles, beaucoup reste à faire pour assurer une bonne représentation des femmes dans les médias. Et passer par des mesures de comptage et des quotas est nécessaire.
INTERVIEW

En progrès, mais peut mieux faire. C'est, en somme, la conclusion tirée par le CSA sur les six dernières années en termes de représentation des femmes dans les médias. Que ce soit dans la fiction, à la présentation, en tant qu'invitées ou dans les métiers de l'ombre, techniques ou de production, les femmes sont encore trop peu nombreuses, représentant bien moins de la moitié des forces en présence. Un problème évoqué jeudi, dans "Culture Médias" sur Europe 1. Laurence Bachman, productrice de télévision, et Carole Bienaimé-Besse, conseillère au CSA, ont notamment soulevé la question des quotas, nécessaires selon elles.

Les "incitations bienveillantes" ne suffisent pas

"Les quotas font peur, les créateurs ont l'impression qu'il y aura moins de création avec des règles et des lois", reconnaît la première, ancienne directrice de la fiction de France 2 et désormais à la tête de la société Telfrance, qui produit notamment "Plus Belle la Vie". "Mais quasiment tous les pays du monde ont fait avancer les questions de diversité et de parité en mettant des quotas. Pour bouger les mentalités, il faut des règles. On a essayé en France de faire des incitations bienveillantes" et cela n'a pas suffit. 

Depuis la loi de 2014 sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, le CSA peut demander aux chaînes de télévision et de radio un bilan sur la présence des femmes à l'antenne. Le simple fait de pouvoir "compter, mesurer la progression", a permis d'encourager les médias à corriger l'écart, note Carole Bienaimé-Besse, conseillère au CSA en charge des dossiers sur la protection de la jeunesse, le handicap, l’accessibilité et les droits des femmes. Mais après plusieurs années de progrès, "l'année dernière, on a constaté une baisse d'un point, essentiellement due aux radios, un peu moins vertueuses que la télévision". 

"On ne se pose pas la question de savoir si les hommes sont bons"

C'est pour Carole Bienaimé-Besse la preuve que "même si tout le monde s'est aperçu qu'il était nécessaire que les femmes soient plus présentes à l'antenne, finalement quand on ne se fixe pas d'objectifs chiffrés, on peut au mieux stagner, au pire ne rien faire pour améliorer les choses". Pour la conseillère au CSA, ce qu'il faut désormais, "c'est faire en sorte qu'il y ait une progression obligatoire et pas uniquement des engagements".

 

La question, récurrente, de savoir si des quotas ne vont pas entraîner la nomination de femmes pour de mauvaises raisons, uniquement en raison de leur genre et non de leurs compétences, ne paraît pas pertinente à Laurence Bachman. "Je pense que c'est un mythe. C'est une question qu'on ne se pose pas pour les hommes, je connais plein de réalisateurs qui travaillent et personne ne se pose la question de savoir s'ils sont bons. Ce sera peut-être pour de mauvaises raisons mais qu'est-ce qu'une bonne ou une mauvaise raison ?"

Expertes et invitées politiques trop peu nombreuses

Carole Bienaimé-Besse rappelle par ailleurs que les chiffres sont trompeurs. "Aujourd'hui, on a 39% de femmes présentes à l'antenne, radio et télévision confondues. Mais quand on regarde les heures de grande écoute, donc de prime ou de matinale, on tombe à 29%", explique-t-elle. "Les matinales sont présentées majoritairement par les hommes."

Même chose pour les experts appelés à la radio et la télévision. "On se retrouve souvent avec des plateaux composés d'hommes. Quand il s'agit de parler d'économie, on appelle souvent des hommes." Les derniers chiffres disponibles font état de 35% d'expertes seulement. Et c'est la même chose pour les invitées politiques. "Elles sont très peu nombreuses et on invite souvent les mêmes." Des inégalités dues aussi à l'auto-censure des femmes, comme le note Laurence Bachman. "Les femmes s'excusent, se sentent toujours illégitimes. C'est culturel, très lié à l'éducation. Ce sont tous ces éléments-là qu'il faut qu'on fasse bouger."