Pour l'avocat d'Antoine Vey (à gauche), la formule "d'acharnement journalistique" d'Éric Dupond-Moretti sur le procès Balkany est justifiée. 3:45
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Thibaud Le Meneec , modifié à
Invités de "Culture Médias" sur Europe 1, mardi, le journaliste de L'Obs Mathieu Delahousse et l'un des avocats du couple Balkany ont débattu du rôle de la presse et des médias dans le procès du maire de Levallois-Perret et de son épouse. 

C'est un argument porté par la défense du couple Balkany pour expliquer la sévérité du jugement prononcé à l'encontre de Patrick Balkany, condamné vendredi à quatre ans de prison pour fraude fiscale, et de son épouse Isabelle, condamnée à trois ans de prison sans emprisonnement immédiat, contrairement au maire de Levallois-Perret : selon l'un de leurs avocats, Éric Dupond-Moretti, le couple aurait subi un "acharnement journalistique" venant "d'une meute" durant ce procès.

Dans Culture Médias sur Europe 1, mardi, le journaliste de L'Obs Mathieu Delahousse, qui a couvert le procès pour l'hebdomadaire, et l'avocat Antoine Vey, l'un des avocats du couple, ont débattu de cette formule employée par le pénaliste dans C L'hebdo sur France 5 : les médias ont-ils joué leur rôle dans ce procès ? Ont-ils eu tort de filmer le maire de Levallois-Perret arriver en prison ? Les journalistes ont-ils une influence sur la peine prononcée ?

Isabelle Balkany, "actrice principale" du "jeu médiatique" ?

"La meute n'est pas sauvage, inconséquente, elle a suivi un événement de justice", répond Mathieu Delahousse au célèbre avocat. "Ce qu'Éric Dupond-Moretti décrit, ça s'est passé de manière extrêmement rigoureuse. Il met en avant une forme de sauvagerie médiatique, qui a existé dans ce dossier : mais quel est l'équilibre médiatique entre la parole d'Isabelle Balkany et la parole des juges qui l'ont condamnée ? Toutes les antennes lui sont ouvertes mais en face, d'elle, il n'y a en réalité personne."

Isabelle Balkany, justement, n'a pas été tendre avec les médias à son retour à Levallois-Perret : "Je suis rentrée très vite à la mairie, il y avait une meute de caméras et de micros voraces. Ce ne sont plus des journalistes, ce sont des claviers qui font un déferlement indécent de la vie, qui jettent tout le monde en pâture", a-t-elle critiqué sur BFM TV.

" Dans quelle affaire a-t-on vu une personne condamnée se précipiter aussi vite devant toutes les caméras ? "

"Dans quelle affaire a-t-on vu une personne condamnée se précipiter aussi vite devant toutes les caméras sans être contredite parfois sur le fond ? Elle a sa défense mais il y a aussi un jeu médiatique dont elle est l'actrice principale", défend le journaliste, également auteur de Cash cash, enquête sur l'argent liquide illégal qui circule en France.

Une interaction "mal réglée" entre justice et médias

"C'est leur droit d'essayer de gérer leur communication comme ils l'entendent", rétorque Antoine Vey. "Le rapport entre la justice qui n'a pas le droit de communiquer et le prévenu qui aurait le droit de le faire est faussé : il y a des communiqués du parquet national financier assez régulièrement, avec un responsable de la communication au parquet. L'enjeu médiatique est devenu quelque chose de très important."

Et selon Antoine Vey, cet enjeu médiatique rentre en collision avec le temps judiciaire : "Il y a cette interaction mal réglée entre la presse et la justice, au point que ça devient très difficile de défendre quand on a autour de soi le système médiatique", regrette-t-il sur notre antenne, en référence aux multiples reportages diffusés en même temps que le procès, comme ce fut également le cas pour le procès du drame du Cuba Libre.

Les images de la Santé "gâchent" le métier de journaliste

Les médias, coupables d'avoir alourdi le jugement envers le maire de Levallois-Perret ? Mathieu Delahousse évoque un "procès en deux salles" et un rôle correctement rempli : "La presse a fait son travail, nous n'avons pas à rougir de notre traitement du procès Balkany", avance-t-il. En revanche, "il faut faire le procès des réseaux sociaux", responsables d'avoir charrié un lot considérable d'insultes et de propos antisémites, pointe le journaliste.

Les deux hommes se rejoignent pourtant sur leur critique des images, abondamment diffusées, montrant Patrick Balkany arriver à la prison parisienne de la Santé. "Voir partir un homme en prison, dans aucun système, on ne peut s'en réjouir", affirme l'avocat, rejoint par le journaliste : "Aller le filmer en courant face à la Santé est une méthode qui nous [les journalistes de la presse judiciaire] interroge et gâche un peu le métier."