Luc Bronner 1280 3:15
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Romain David , modifié à
Invités d'Europe 1, Luc Bronner, le patron des rédactions du Monde, et la journaliste Ariane Chemin expliquent pourquoi le quotidien demande à ses actionnaires, et notamment à l'homme d'affaires tchèque Daniel Kretinsky, de signer un droit d'agrément.
ON DÉCRYPTE

460 journalistes de la rédaction du groupe Le Monde ont signé mardi une tribune dans les colonnes du quotidien, demandant à Matthieu Pigasse et Daniel Kretinsky de tenir l'engagement de préserver l'indépendance éditoriale des rédactions. L’un des deux actionnaires majoritaires du journal, Xavier Niel, a accepté de signer lundi un droit d’agrément. Les journalistes demandent désormais à l’autre actionnaire majoritaire, Matthieu Pigasse, mais aussi à l’homme d’affaire tchèque Daniel Kretinsky, à qui Matthieu Pigasse a revendu près de 50% de ses parts en 2018, de signer ce droit de regard avant la date butoir de 18 septembre.

"Daniel Kretinski s’est engagé en octobre, via Matthieu Pigasse, à signer un droit d’agrément", rappelle au micro de Philippe Vandel, dans Culture Médias sur Europe 1, Luc Borner, le patron des rédactions du Monde. "Il a le droit de ne pas signer, mais il faut qu’il assume publiquement de se mettre en opposition très forte avec cette rédaction", pointe-t-il. "Pour l’instant, il n’a pas répondu à cette tribune. C’est légitime. On lui propose de s’exprimer dans les colonnes du journal. S’il veut s’exprimer dans un entretien au Monde, on le fera de manière très professionnelle", ajoute-t-il.

"On sait très bien pourquoi des patrons ont envie de rentrer dans le capital d’un journal"

Cinquième fortune tchèque, Daniel Kretinsky s'est enrichi dans le domaine de l'énergie, et a déjà investi dans plusieurs autres médias français, notamment les magazines Marianne, Elle, Ici Paris ou encore Public. "On n’est pas une centrale à charbon, on ne rachète pas des journalistes comme une autre entreprise", explique pour sa part Ariane Chemin, l’une des grandes signatures du quotidien du soir, également invitée de Culture Médias. "On est lucide, on sait très bien pourquoi des patrons ont envie de rentrer dans le capital d’un journal : pour avoir de la respectabilité, de l’influence, pour être reçus à l’Elysée par le président de la République... Cela vous donne une assise, des relations. Et quand on veut, comme Daniel Kretinsky, jouer un rôle dans le paysage économique français, c’est utile."

Les rédactions veulent donc désormais s’assurer qu’elles ne subiront aucune pression, orientant d’une manière ou d’une autre leurs travaux, en fonction des intérêts de l’homme d’affaire. "Une rédaction et un titre de presse sont forts s’ils sont indépendants", martèle Luc Bronner. "Si on laisse un actionnaire prendre la main contre notre volonté, on sait que derrière, potentiellement, s’il ne respecte pas la rédaction, il pourra influencer la vie de cette rédaction."

Pour rappel, lors de recapitalisation de 2010 par le trio Xavier Niel-Pierre Bergé-Matthieu Pigasse, le journal avait obtenu que les rédactions puissent se prononcer sur leurs projets, et disposent d’un droit de regard sur l’entrée de nouveaux actionnaires. "On veut simplement, et c’est une bataille fondamentale pour nous, maintenir ce droit de regard qui est un pilier de notre indépendance", conclut Luc Bronner.