Endemol, une déontologie en faire-valoir

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Corentin Bainier , modifié à
Le comité de déontologie d’Endemol apparaît plus comme une caution morale qu’un organe de contrôle.

Pour Endémol et TF1, c’est la semaine de la débâcle. La chaîne a annoncé jeudi l’arrêt de son émission Carré Viiip. Motif : manque d’audience. 13% de part de marché c’est trop peu pour un access prime-time a fait valoir vendredi sur Europe 1 Laurent Storch, le directeur des programmes de TF1. Un choix qui intervient alors que, depuis dimanche, l’émission était au centre d’une polémique et que Nonce Paolini et Virginie Calmels patrons respectifs de la chaîne et de la société de production, étaient convoqués vendredi devant le CSA pour s’expliquer sur le contenu de l’émission.

L’emballement avait pris dimanche dernier. Interrogée sur le plateau de Médias le Magazine sur France 5, la journaliste Michèle Cotta avait fustigé le fait que l’émission fasse « du fait de se faire connaître à tout prix une valeur essentielle". Et annoncé son intention de démissionner du comité de déontologie d’Endemol. Elle rappelait au passage l’existence de cet organisme, crée en 2010 par la société de production. Et qui ressemble à tous points de vue à un faire-valoir.

Opération marketing

"Le comité n’intervient pas sur le contenu ni sur les valeurs des programmes", dit à Europe1.fr Thierry Moreau, directeur de la rédaction de Télé 7 Jours. La charte qui l’établit prévoit selon lui des "compétences anodines" : "le comité doit veiller à la diversité, à l’absence de discriminations, à ce qu’aucun propos injurieux ou diffamatoires ne soient tenus… Tout ça est évident !". Et prévu : François Jost, sociologue des médias et auteur du livre Les médias et nous, joint par Europe1.fr, estime que les champs d’action du comité de déontologie d’Endemol sont des éléments déjà inscrits "dans la charte des chaînes, ou alors qui relèvent du cadre législatif, ou encore, qui sont imposées par le CSA, comme par exemple l’espace de liberté caché des caméras". Au total, la charte prévoit 15 critères, qui étaient tous respectés par Carré Viiip.

Le comité n’en a pas moins réussi à attirer des intellectuels et pointures du monde des médias. Outre Michèle Cotta, y siègent Christine Albanel, ancienne ministre de la Culture, la philosophe Elisabeth Badinter, ou l’ancien président de la Halde Louis Schweitzer. "Je suis très fière et honorée qu'un certain nombre de personnalités aient accepté de faire partie de ce comité (…) Mettre autour de cette table des gens qui auraient acquiescé à tout aurait été facile", avait fait valoir lundi sur Europe 1 Virginie Calmels, qui a créé ce comité. Or pour Thierry Moreau, ce casting est "une opération marketing" dont les principaux intéressés n’ont pas conscience. "Pour beaucoup, ce sont des gens qui veulent moraliser la TV mais ne la regardent pas vraiment", estime François Jost.

Des critères pour mesurer la réalité

En somme, le comité de déontologie réunit des personnalités mais elles n’y traitent en aucun cas du contenu des émissions. "C’est une caution morale mais il ne sert pas à la moralité", résume Thierry Moreau. L’instance avait pourtant été créée après de nombreux courriers de téléspectateurs de TF1 critiquant les images dégradantes proposées par l’émission Secret Story 3, produite par Endemol.

Le comité ne semble pas plus s’inscrire dans un mouvement de prise de conscience des conséquences possibles de la téléréalité, dix ans après le premier "Loft Story". "Aucune autre société de production de téléréalité n’a un comité de ce genre", selon Thierry Moreau.

Face aux polémiques, une réflexion sur l’acceptabilité des contenus des programmes pourrait-elle être envisagée ? Pour François Jost, "dans la charte d’Endemol, il est dit qu’il faut rendre compte fidèlement de la réalité sans porter atteinte a la dignité. Le fait de rendre compte de la réalité est éminemment discutable. Il faut réfléchir si on légifère sur ce que c’est que la réalité, définir des critères qui permettent de la mesurer". Peut-être à l’aune de prochains scandales.