Le président tchadien Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 30 ans, est mort mardi. 2:47
  • Copié
Didier François , modifié à
Mort les armes à la main alors qu'il venait d'être réélu à la tête d'un pays au rôle fondamental dans la lutte anti-terroriste au Sahel, mardi, Idriss Déby était un partenaire-clé pour l'Occident. Sa disparition inquiète ses plus proches alliés, à commencer par la France. 
DÉCRYPTAGE

Idriss Déby "vient de connaître son dernier souffle en défendant l'intégrité territoriale sur le champ de bataille". C'est par ces mots que le porte-parole de l'armée du Tchad a annoncé le décès du maréchal et chef d'Etat, mardi. À 69 ans, le président est mort comme un jeune lieutenant, en menant la charge de ses troupes contre une colonne rebelle partie des confins du Tibesti, ce massif désertique de l’extrême nord du Tchad, et qui faisait mouvement vers N’Djaména, la capitale. Une disparition à l'image de la carrière du militaire, au pouvoir depuis 30 ans, et qui était devenu un partenaire-clé des Occidentaux dans les pays du Sahel. 

300 rebelles tués et 150 faits prisonniers

Le président Déby aurait parfaitement pu attendre ses ennemis à l’abri, solidement retranché derrière les murs de son palais, et déléguer le combat à ses généraux - les fidèles ne lui manquaient pas. Mais ce n’était pas son caractère. Dès le début de l’incursion rebelle, il a sauté dans son 4X4 de commandement et rejoint ses soldats, en toute première ligne, comme il l’avait déjà fait lors de la dernière tentative de coup d’État, en 2008. Il faisait alors face aux même dissidents, de vagues cousins qui lui reprochaient de ne pas assez redistribuer les prébendes du pouvoir. Déjà, à l'époque, il avait subi le feu : son opérateur radio avait été tué par une rafale qui avait frappé son véhicule. Mais Idriss Déby avait su retourner la situation à son avantage et les rebelles avaient dû reprendre la route de l’exil. 

Cette fois c’est le commandant en chef lui-même qui été mortellement blessé… Mais pas avant d’avoir remporté la bataille. Pas moins de 300 rebelles auraient été tués et 150 fait prisonniers au cours de l’affrontement qui lui a certes coûté la vie, mais qui a sauvé le pouvoir de son clan. C'est bien ce que ses partisans admiraient chez Déby : il était un guerrier, un véritable chef de guerre avant d’être un chef d’État - ce qui lui était d’ailleurs assez reproché par ses opposants. Son tempérament entier, allié à une certaine fougue, faisait des miracles sur le champ de bataille mais laissait peu d’espace au débat et moins encore à la contestation dans la vie politique du pays. 

Un pays au rôle fondamental dans la lutte anti-terroriste

Idriss Déby venait pourtant de rempiler pour un sixième mandat à la tête du Tchad, après une réélection avec 65% des voix. Le résultat avait été proclamé mardi matin, quelques heures seulement avant l’annonce de son décès. Le Tchad est donc sans président - un de ses fils, général quatre étoiles à 37 ans et commandant de la garde présidentielle, Mahamat Idriss Déby Itno, dirige un conseil militaire chargé de le remplacer - et la situation inquiète ses alliés les plus proches, à commencer par la France : l’armée tchadienne est une pièce absolument fondamentale dans le dispositif de lutte anti-terroriste au Sahel. 

La France "perd un ami courageux" avec la mort du président tchadien Idriss Déby Itno, a annoncé mardi l'Elysée dans un communiqué soulignant également l'importance d'une "transition pacifique" chez son allié dans le Sahel. Paris "exprime son ferme attachement à la stabilité et à l'intégrité territoriale du Tchad", poursuit l'Elysée dans ce message de condoléances.

Que ce soit au Mali ou au Nigéria, contre Al-Qaïda ou contre l’État islamique, dans les contingents de l’ONU ou dans ceux du G5 Sahel, les soldats tchadiens sont en effet d’excellents combattants, commandés par des chefs militaires de grande valeur, comme l’était le maréchal Déby. N'Djamena abrite aussi le siège de l'opération anti-djihadiste française Barkhane, lancée en 2014 - la France est présente de manière quasi permanente dans son ancienne colonie depuis l'indépendance. Paris ne peut donc désormais qu'espérer une transition rapide, qui préserve la stabilité et les capacités opérationnelles du Tchad.