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A.H.
Des milliers de "complices" présumés de l'opposant turc Fethullah Gülen ont d'ores et déjà été arrêtés par le régime d'Erdogan, faisant craindre une escalade de la répression en Turquie.
INTERVIEW

"Oui, c’est une purge". Vendredi sur Europe 1, l'économiste et politologue turc Ahmet Insel n'a pas hésité un instant pour qualifier la répression menée après le coup d'Etat manqué en Turquie.

Les Turcs "abasourdis". Enseignant à l'université de Galatasaray, il constate l'état de "choc" dans lequel se trouve la population turque depuis cette nuit du 15 au 16 juillet, qui a vu une partie de l'armée se soulever contre le président conservateur Recep Tayyip Erdogan. "Le coup d'Etat a créé des scènes de guerre civile. Les gens sont abasourdis" témoigne Ahmet Insel. Mais à en croire le politologue, "la plupart des gens sont très contents que le coup d’Etat soit avorté". C'est d'ailleurs la fidélité d'une majorité de Turcs au président Erdogan qui fait refuser à Ahmet Insel le terme de "dictature". "Il y a un vrai soutien populaire, électoral au pouvoir", atteste-t-il.

"La chasse aux sorcières". "En revanche, la transformation de la répression contre les putschistes en une purge généralisée créé une vraie crainte dans la société", affirme l'économiste sur Europe 1. Le Premier ministre turc Binali Yildirim a annoncé mercredi soir que 40.029 personnes avaient été interpellées depuis le 15 juillet, dont 20.355 ont été placées en détention. Il a ajouté pendant une allocution télévisée que 79.900 employés du service public avaient été démis de leurs fonctions, notamment dans l'armée, la police et la justice, et que 4.262 entreprises ou institutions liées à Fethullah Gülen -accusé d'avoir fomenté le coup d'Etat - avaient été fermées. "Quand la chasse aux sorcières est lancée, nous ne savons pas où ça peut s’arrêter", redoute Ahmet Insel.

Un régime taillé pour Erdogan. "C'est une grande épuration. La communauté de Gülen est accusée depuis deux, trois ans d’être une organisation terroriste", précise le spécialiste qui nuance cependant : "Ces accusations ne sont pas infondées. C’est vrai que cette communauté a une face cachée, dangereuse. Elle avait infiltré la police, la justice… Et l'on découvre qu’il y avait également beaucoup d’infiltrations dans l’armée", juge-t-il. Néanmoins, cette forte répression donne le champ libre à Erdogan. Selon Ahmet Insel, le président turc a désormais "la possibilité de réaliser un régime très personnalisé, très centralisé autour du chef de l’Etat".