Répression en Russie : le témoignage d’un opposant à Moscou

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Une femme dont les parents sont originaires de Russie et d'Ukraine prononce un discours, lors d'une autre manifestation contre l'invasion de l'Ukraine par Poutine, organisée à Amsterdam, le 6 mars. © ROMY ARROYO FERNANDEZ / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP
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Thibaud Hue
La répression s’intensifie en Russie lors des manifestations anti-guerre. Dimanche, 1.100 opposants ont été arrêtés dans 30 villes du pays selon l’ONG OVD-Info. Une situation de plus en plus oppressante pour les opposants qui n’ont plus aucun moyen de s’exprimer. Igor Saveliev a été arrêté pendant un rassemblement au début du conflit, il témoigne au micro d’Europe 1.

La Russie sert la visse. Alors que de nombreux manifestants vont dans la rue pour clamer leur mécontentement face à la guerre menée par Moscou en Ukraine, le pouvoir russe emploie les grands moyens. Dimanche dernier, 1.100 personnes ont été arrêtées dans la capitale et depuis le début du conflit il s’agit de plus de 10.000 personnes selon l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des manifestations. Les intimidations des autorités et la menace de lourdes peines de prison se font très pressantes sur les opposants.

Accusés de délinquance administrative

Igor Saveliev, un journaliste et écrivain russe, a lui aussi été arrêté le 27 février à Moscou, dans le cadre d’une manifestation. Au micro d’Europe 1, il raconte : "J’avais vu que la police chassait les meetings sur la place Pouchkine à Moscou. Je voulais voir ça de mes propres yeux. Il y avait énormément d'agents de police et de militaires qui annonçaient avec des haut-parleurs qu'on n'avait pas le droit de rester à l’arrêt sur la place."

 

Comme 1.275 autres Moscovites ce jour-là, cet homme de 39 ans est interpellé et arrêté. "On a tous été envoyés dans des commissariats, accusés de délinquance administrative. Dans la main courante qui a été déposée contre moi, j’ai lu que j’avais soi-disant crié : "Non à la guerre", alors que je n’ai rien crié. Ce slogan est maintenant interdit par la loi en Russie", confie-t-il.

"J’ai peur de la prison"

Après avoir été libéré, un policier est venu chez lui pour lui apporter un papier officiel stipulant qu’il pourrait être emprisonné en cas de récidive, avec une convocation au tribunal. "Pour le moment ça ne va être qu’une amende. Mais la prochaine fois c’est la loi pénale qui sera appliquée. Je ne vais pas mentir, j'ai très peur. J’ai peur de sortir dans la rue, j’ai peur du jugement, j’ai peur de la prison, j’ai peur des répressions qui s’appliquent aujourd’hui", soupire-t-il. Aujourd’hui, Igor Saveliev est libre mais les forces de l’ordre viennent régulièrement à son domicile.

Une répression qui effraie. L’écrivain constate une fuite considérable des acteurs de la culture russe : "On pense tous pareil, mais nos voix ne sont pas entendues. Alors beaucoup partent. L'intelligentsia a peur. Tous les médias d’opposition ont été fermés. Y compris la radio "L’Echo" de Moscou qui fonctionnait sans interruption depuis 30 ans. Les seules informations viennent du ministère de la Défense."

Une censure militaire

En attendant d’être reçu par le tribunal à Moscou le 29 mars, Igor Saveliev condamne fermement les exactions de son pays. "C’est inadmissible. Tout doit s’arrêter le plus vite possible. Les actions militaires et la lutte du gouvernement contre la liberté d’expression en Russie. C’est de la censure militaire. La loi dit qu’on ne peut discréditer l’armée et qu’on ne peut pas disperser des rumeurs diffamatoires sur l’opération menée en Ukraine. Je n’ai jamais vu ça et je ne pouvais pas l’imaginer", ajoute-t-il.

Tout en jetant un regard inquiet vers ses voisins : "Mais tout c’est infiniment petit par rapport aux souffrances éprouvées aujourd’hui par les gens en Ukraine pour qui j’ai une grande compassion."