Pneumonie d’Hillary Clinton : "le premier tournant de la campagne"

Hillary Clinton lors de son malaise pendant la commémoration du 11 septembre.
Hillary Clinton lors de son malaise pendant la commémoration du 11 septembre. © AFP
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Victime d’un malaise lors de la commémoration du 11-Septembre, la candidate démocrate a finalement reconnu qu’elle souffrait d’une pneumonie depuis vendredi. Une révélation qui va forcément impacter la campagne.
INTERVIEW

Les images sont fortes. On y voit Hillary Clinton, tituber, obligée de s’agripper à ses gardes du corps pour monter dans sa voiture qui la conduira chez sa fille. La candidate démocrate, âgée de 68 ans, a été victime d’un malaise dimanche lors de la cérémonie d’anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 à New York. Plus tard, on apprenait que ce simple "coup de chaud" était finalement plus grave. La candidate souffre en effet depuis vendredi d’une pneumonie, ce qui l’oblige à suspendre sa campagne pendant 48 heures. Quel impact cela peut-il avoir sur les Américains à deux mois du vote ? François Durpaire, historien, spécialiste des Etats-Unis nous éclaire.

Les médias américains sont en boucle sur la question de la santé d’Hillary Clinton. Pourquoi est-ce que cela a un tel impact, une telle portée politique ?

Je ne pense pas que ce soit spécifiquement américain. Imaginez, par exemple,  Alain Juppé qui s’effondre dans les bras de ses gardes du corps lors d’un meeting ou d’une commémoration.  Je ne suis pas sûr que les chaînes info et les chaînes de radio ne soient pas en édition spéciale sur : "Alain Juppé, peut-il être président ? Qu’a-t-il vraiment comme maladie ? Pourquoi nous a-t-on caché sa maladie depuis deux jours ?" Jusqu’à maintenant, c’était un sujet de rumeurs voire un sujet pour les sites conspirationnistes très conservateurs. C’est maintenant un sujet légitime pour la campagne, depuis 24 heures.

Est-ce que cela peut mettre en difficulté Hillary Clinton par rapport à Donald Trump ?

C’est un peu difficile à anticiper. Il y a deux sujets : celui de la santé d’Hillary Clinton et celui de l’image, le malaise ayant été filmé. Sa santé est une chose : c’est-à-dire quelle est vraiment la nature de son mal, est-ce que cela peut l’handicaper dans sa campagne ou comme présidente ? Et puis, il y a la question de la répercussion sur l’opinion. Ces images étaient dures. On la voit de dos rentrer dans la voiture (Hillary Clinton est soutenue par plusieurs personnes alors que ses jambes semblent ne pas pouvoir la porter). 

Cela peut impacter l’opinion de deux manières. La première peut être négative puisqu’il y a la question de l’aptitude à être présidente qui peut se poser. Jusqu’à maintenant, Hillary Clinton avait plein de défauts mais face à Trump, elle jouissait d’un avantage sur l’aptitude à être présidente. Mais, là avec les raisons de santé, la question se pose. Deuxième chose, il y a la question de la transparence. C’est souvent là que le bât blesse dans le camp Clinton. Pourquoi ne nous a-t-on rien dit pendant 90 minutes ? 90 minutes de trou noir médiatico-politique, c’est important aux Etats-Unis, comme en France. On nous a ensuite parlé "d’un coup de chaud", ce qui n’est pas une pneumonie. Et la pneumonie est là depuis vendredi, ce qui n’avait pas été dit aux Américains et à la presse ; ça peut lui être reproché.

Dans le sens inverse, cela ne va pas forcément pénaliser Hillary Clinton. On se souvient, comme historien, du côté de la France, de Jospin-Chirac ; le premier parlant du second comme "fatigué et vieilli", cela s’était retourné contre Jospin.  En 2000, aux Etats-Unis, il y avait eu les révélations de l’alcoolisme de Georges Bush. Les Américains, lorsqu’ils ont répondu sur "Bush peut-il être président ?", ils ont aussi répondu sur "peut-on avoir une seconde chance ?". Si Donald Trump attaquait Hillary Clinton sur ce sujet, il pourrait avoir une partie de l’Amérique qui le lui reproche.

A vous entendre, on a l’impression que l’impact de cette pneumonie va avoir des répercussions différentes selon les orientations que vont suivre les candidats dans les prochains jours ?

Oui. La journée, qui était une journée de parenthèse dans la campagne, est finalement devenue la journée du premier tournant dans la campagne. Après, savoir dans quel sens va tourner ce premier tournant, en faveur de Clinton ou de Trump, c’est un peu tôt pour le dire. Ca va dépendre effectivement des réactions de l’un et de l’autre. Qu’est-ce que Clinton va présenter comme post-image ? Quelle va être la manière dont elle va gérer cette question de la santé ? Va-t-elle faire des propositions, va-t-elle publier un bulletin de santé ? Et du côté Trump, pour l’instant, il semble suivre ses conseillers qui lui recommandent la prudence. Il peut aussi se taire et laisser son entourage parler puisque la santé d’Hillary Clinton est une thématique depuis le début de la campagne.