Mohammed Ben Salmane, un prince saoudien aux deux visages, en visite en France

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© BANDAR AL-JALOUD / SAUDI ROYAL PALACE / AFP
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Sébastien Krebs, édité par R.Da. , modifié à
La visite du prince héritier d'Arabie Saoudite doit donner un nouveau souffle aux relations franco-saoudiennes. Mais les ONG s'inquiètent des conséquences de ce rapprochement. 

Après trois semaines aux Etats-Unis et un passage en Grande-Bretagne, le voici donc en France. Le prince héritier d'Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salmane, est arrivé dimanche à Paris pour une visite officielle de deux jours. Il doit notamment participer à un forum économique et à un dîner à l'Elysée mardi soir. Si la France dit vouloir lancer "un nouveau partenariat stratégique" avec l'Arabie Saoudite, les ONG alertent sur la situation des droits de l'homme dans le pays face à la politique du prince.

Un début d'ouverture. "MBS", le prince qui bouscule l'Arabie saoudite, affiche l'image d'un jeune et ambitieux héritier de 32 ans à l'allure d'un imposant gaillard à la barbe sombre. Il a été nommé à la succession de son père en juin, après l'éviction de son cousin Mohammed ben Nayef Al Saoud, notamment cité dans l'affaire des Panama Papers. Mohammed Ben Salmane prône un islam modéré et entend dépoussiérer la vielle monarchie. Il vient, par exemple, d'autoriser les femmes à conduire et l'ouverture des cinémas

Sur le plan international, le jeune homme a semblé prôner début avril un rapprochement entre Riyad et Israël, fait inédit puisque officiellement l'Arabie saoudite ne reconnait pas l'Etat hébreu. "Je pense que les Palestiniens et les Israéliens ont droit à leur propre terre. Mais nous devons obtenir un accord de paix pour garantir la stabilité de chacun et entretenir des relations normales", a-t-il ainsi déclaré dans un entretien au magazine américain The Atlantic. En mars, l'Arabie saoudite avait déjà fait un premier pas en ouvrant son espace aérien à des vols commerciaux israéliens. 

Les libertés fondamentales bafouées. La France entend surfer sur cette nouvelle donne pour se rapprocher de l'Arabie, mais les ONG ne sont pas dupes de la vitrine présentée à l'Occident, et, derrière les déclarations d'intention, tirent la sonnette d'alarme quant à la situation réelle à l'intérieur du royaume wahhabite. Chez Amnesty International, Katia Roux, chargée de plaidoyer du programme Libertés, décrit un prince aux deux visages : "On constate un véritable durcissement de la répression à l'égard de la société civile. Les libertés fondamentales, comme la liberté d'expression ou d'association, sont frontalement attaquées et tous ceux qui critiquent le pouvoir finissent derrière les barreaux, religieux, journalistes ou universitaires, alors que l'on a plutôt l'impression d'une tendance à l'ouverture", explique-t-elle auprès d'Europe 1. En novembre dernier le prince a ainsi fait arrêter 200 personnes, accusées de corruption, parmi lesquelles des princes, plusieurs ministres et des dizaines d'anciens responsables politiques.

La guerre au Yémen. Les ONG demandent que ces questions ne soient pas éludées par l'Elysée, elles seront aussi attentives à d'éventuels contrats d'armement au moment où l'Arabie saoudite bombarde le Yémen. À Paris, les entreprises seront surtout en ligne pour obtenir des contrats dans le secteur du tourisme, de l'énergie, des transports et du numérique.