Même sans Brexit, quel avenir pour l'UE et le Royaume-Uni ?

© EMMANUEL DUNAND / AFP
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Même si les électeurs britanniques choisissent de rester dans l'UE après le vote de jeudi, le rapport de forces entre Londres et Bruxelles sera durablement modifié.

Avec ou sans Brexit, l'Union européenne ne ressortira pas indemne du scrutin qui se tient jeudi dans tout le Royaume-Uni. Même dans le cas où Londres resterait au sein de l'UE, Bruxelles n'aura d'autre choix que d'accepter un peu plus encore le statut particulier de la Grande-Bretagne au sein des 28. C'était d'ailleurs l'objectif avoué de David Cameron, le Premier ministre britannique, lorsqu'il avait promis à ses électeurs d'organiser ce référendum. Un objectif en partie atteint en février 2016, lorsque le locataire du 10, Downing street, avait passé un accord avec le conseil européen et son président Donald Tusk. A l'époque, la tenue d'un référendum sur le Brexit était déjà actée, au grand dam de l'Union Européenne.

Limitation des aides sociales. Pour mettre toutes les chances du côté du maintien dans l'UE, Bruxelles avait alors accordé à Londres des concessions sensées convaincre les électeurs britanniques de voter pour le "in", pour rester dans l'union. David Cameron avait alors obtenu plusieurs concessions (dans l'optique d'une victoire du "in" au référendum). La première d'entre elle, c'est l'instauration d'un mécanisme de "frein d'urgence" qui permet au pays de limiter l'accès aux aides sociales aux étrangers de l'UE en cas d'afflux massif de migrants. La Grande-Bretagne a également obtenu de pouvoir indexer sur le niveau de vie de son pays d'origine  les prestations familiales touchées par les ressortissants européens. Politiquement, ce sont des concessions qui permettent au Premier ministre anglais de rassurer une partie de l'électorat inquiétée par l'immigration.

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Sur les traces de la "Dame de Fer". Voilà donc les principaux changements à venir pour la Grande-Bretagne en cas de victoire du "in". Mais au-delà des mesures concrètes obtenues, Londres remporterait surtout une éclatante victoire politique, comme Margaret Thatcher en son temps. Depuis l'entrée du pays dans la CEE en 1973, les différents gouvernements n'ont eu de cesse de se battre pour faire valoir les particularismes anglo-saxons. Et obtenir les clauses d'exception (opt-out) qui vont avec.  La "Dame de Fer" avait obtenu une moindre participation au budget de la PAC, la politique agricole commune ? David Cameron marche sur ses traces. Tout sauf une surprise pour Catherine Marshall, maître de conférences en civilisation britannique à Sciences Po, qui affirme dans Le Monde : "Il y a toujours eu, du point de vue des Britanniques, une méfiance envers le projet européen qui, dans son préambule du Traité de Rome, indiquait qu'il souhaitait une Union sans cesse plus étroite. Cette idée-là est contre l'esprit même de la nation."

Plus d'intégration… économique. Selon le résultat, David Cameron pourrait donc se retrouver en position de force, comme l'explique Cécile Ducourtieux, journaliste à Bruxelles sur le forum du Monde : "Si le 'Remain' (rester) l'emporte à 56%, le message sera très très clair et, comme Cameron est le seul leader politique qui a eu le courage de poser cette question existentielle à ses concitoyens, il arrivera à Bruxelles avec un très fort pouvoir de négociation."Et pour cause, il sera alors tout auréolé de son statut de chef d'Etat ayant affronté et vaincu le vent d'euroscepticisme qui souffle actuellement sur le Continent. Si ce scénario venait à se réaliser, quelles seraient les priorités britanniques ? Ils souhaiteront probablement que l'on accélère les négociations du Tafta, le traité de libre-échange avec les Etats-Unis. Ils encourageront la formation d'un vrai marché unique du numérique, qui n'existe pas du tout aujourd'hui. Ils seront aussi moteur dans les négociations pour faire disparaître les dernières frontières liées à la circulation des capitaux dans l'Union. Mais en revanche, ils risquent de décourager les velléités d'aller vers une Europe fédérale." Depuis des mois, David Cameron défend le maintien de la Grande-Bretagne dans l'union. Ce n'est donc pas par europhilie béate, mais bien par pragmatisme.