L'Union Européenne va-t-elle s'ouvrir sur le Caucase ?

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François Hollande lors du sommet de Riga, entouré de ses homologues des pays baltes notamment. © ALAIN JOCARD / AFP
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SOMMET - A l'occasion du sommet UE/Caucase qui se tient depuis jeudi à Riga, les Etats-membres de l'UE se divisent sur l'attitude à adopter vis-à-vis de ces pays proches de la Russie.

Partenaires ? Amis ? Frères ? Ou zone d'influence réservée à la Russie ? Voilà en quelques interrogations tout le débat qui divise aujourd'hui les membres de l'Union européenne au sujet des relations qu'ils doivent entretenir avec les pays du Caucase. Réunis à Riga, en Lettonie, pour échanger avec les chefs d'Etat géorgien, azéri, moldave, ukrainien, arménien et biélorusse, les 28 membres de l'UE savent bien qu'un interlocuteur majeur, absent des débats, sera cependant sur toutes les lèvres. Il s'agit bien évidemment de Moscou, qui considère ces pays de l'ancien bloc soviétique comme faisant partie de leur sphère d'influence. 

Développement commercial vs équilibre diplomatique avec la Russie. Pour l'Europe, entre partenariats économiques intéressants avec des pays riches en ressources naturelles comme l'Azerbaïdjan et crainte de raviver un peu plus encore les tensions avec la Russie, l'équilibre diplomatique est précaire. D'autant plus que les membres de l'UE ne partagent pas tous la même vision du futur de l'union. Certains défendent l'idée d'une Europe toujours plus élargie, à la fois pour intensifier les partenariats commerciaux à l'est mais aussi pour établir une barrière de protection avec la Russie. D'autres, préoccupés par la crise économique et la réforme des institutions européennes, prônent une pause, si ce n'est un arrêt complet, de la politique d'élargissement.  

• Les partisans d'un élargissement de l'UE vers le Caucase : principalement la Pologne, mais aussi la Roumanie et les Etats baltes

Avec la Suède, la Pologne était déjà à l'origine en 2009 du "partenariat oriental" tissé avec les six pays du Caucase cités précédemment. A l'époque, le ministre des Affaires Etrangères Radoslaw Sikorski avait déclaré : "si au sud (de l'UE), nous avons des voisins de l'Europe, à l'est, nous avons des voisins européens", signe d'une volonté de rapprochement avec ces pays qui partagent avec Varsovie le même héritage soviétique. 

Il faut dire que pour la Pologne, l'intérêt d'un potentiel élargissement à l'est est évident. Il permettrait en effet au pays, en plein boom économique, de se retrouver géographiquement au centre de l'UE, mais aussi de se constituer un rempart protecteur face à la Russie, comme l'analysait le site Nouvelle Europe juste avant le dernier sommet, à Vilnius, en 2013, qui avait précédé la crise ukrainienne.  

 

• Les partisans d'un simple partenariat économique : l'Allemagne et la France, soucieuses de préserver les relations avec la Russie 

Si l'Europe orientale voit les pays du Caucase comme de potentiels futurs membres de l'UE, les puissances occidentales, le couple franco-allemand en particulier, les considèrent plus comme de simples partenaires économiques privilégiés. Cette posture s'explique assez facilement, analyse Thomas Flichy de la Neuville sur le site medias24 : d'abord par la situation économique et institutionnelle houleuse de l'UE, mais aussi par la nécessité de conserver des liens diplomatiques un minimum cordiaux avec la Russie. 

En effet, lors du dernier sommet UE/Caucase, qui s'était tenu à Vilnius, en Lituanie, en 2013, le président ukrainien de l'époque Viktor Ianoukovitch avait refusé au dernier moment de signer un accord d'association avec l'UE qui avait in fine projeté le pays dans le chaos de la révolution. La France et l'Allemagne, qui cherchent à maintenir une certaine stabilité dans la région, n'ont pas intérêt à reproduire un tel scénario, qui a abouti au conflit séparatiste ukrainien actuel.

 

• Ce qui devrait se passer au sortir du sommet

Sans surprise, la ligne franco-allemande, appuyée par la Commission européenne, devrait continuer à être suivie par l'UE. Un pronostic qu'appuie Elzbieta Kaca, de l'Institut polonais des affaires internationales. Selon la chercheuse, la vice-présidente de la commission et représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini "cherche d'abord une approche constructive des rapports avec Moscou". L'UE devrait donc continuer à privilégier la stratégie des "petits pas", à savoir poursuivre une intégration de ces six pays en intensifiant ses relations économiques avec eux. Sans pour autant aborder l'éventualité même d'une adhésion à l'UE, qui pourrait risquer de froisser Moscou.

Or, le Kremlin s'est quelque peu adouci ces derniers mois, puisqu'il a renoncé à s'opposer à l'entrée en vigueur du traité de libre-échange entre l'UE et l'Ukraine. "Nous ne souhaitons qu'une chose, que ces relations (entre l'Europe et les pays du Caucase,ndlr) ne soient pas construites au détriment des intérêts légitimes de la fédération de Russie", avait résumé le ministre des Affaires Etrangères Sergueï Lavrov. Sa volonté devrait être respectée.