Loi sur l'«influence étrangère» en Géorgie : le gouvernement met en garde les manifestants

géorgie
© MAXIME GRUSS / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
  • Copié
avec AFP / Crédits photo : MAXIME GRUSS / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
Le gouvernement géorgien a menacé dimanche d'arrêter tout manifestant qui tenterait d'empêcher le parlement de voter une loi controversée sur "l'influence étrangère", alors qu'une nouvelle manifestation est attendue ce dimanche soir à Tbilissi.

"Je tiens à avertir tous les membres des groupes radicaux de l'opposition qu'ils devront répondre de leurs actes de violence devant la justice", a prévenu le Premier ministre Irakli Kobakhidze. Le ministre de l'intérieur, Vakhtang Gomelauri a été encore plus explicite : "Le blocage en groupe d'un objet d'importance particulière est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à quatre ans de prison", a-t-il prévenu.

Et il a ajouté : "Nous allons utiliser cet article contre les contrevenants à la loi, sans aucune exception". Les autorités ont présenté les manifestants, composés en grande partie de jeunes, comme des foules violentes.

"Restez prudents"

De son côté, la présidente géorgienne pro-UE, Salomé Zourabichvili, en conflit avec le gouvernement, a appelé les manifestants à être vigilants. "Je veux m'adresser à vous (les manifestants) pour que vous le sachiez (…) Il y a des plans qui ne fonctionneront pas vraiment, mais il y a des plans pour organiser des provocations et vous impliquer", a-t-elle déclaré, sans entrer dans les détails. "Restez donc très prudents, ce qui ne veut pas dire qu'il faille avoir peur", a-t-elle ajouté.

Le projet de loi doit passer en troisième lecture au parlement et la présidente Zourabichvili, en conflit avec le parti Rêve géorgien, devrait y opposer son veto. Ce parti au pouvoir dispose cependant d'assez de voix pour passer outre. Samedi, ils étaient déjà plusieurs milliers dans le centre-ville de la capitale géorgienne, dont de nombreux jeunes, à dire "Non à la loi russe !", en référence à ce texte inspiré d'une législation russe utilisée par le Kremlin pour réprimer les voix dissidentes.

"Une pseudo-élite nourrie par un pays étranger"

Le texte, initiative du Rêve géorgien, du richissime Bidzina Ivanichvili, est vu comme un obstacle sur le chemin de la Géorgie vers l'adhésion à l'Union européenne, qui l'a vertement critiqué. En cas d'adoption, la loi imposera à toute ONG ou organisation médiatique recevant plus de 20% de son financement de l'étranger de s'enregistrer en tant qu'"organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère".

Le gouvernement assure que cette mesure vise à obliger les organisations à faire preuve de davantage de "transparence" sur leurs financements. De nombreuses ONG dans le pays ont elles dénoncé le projet de loi, que Bidzina Ivanichvili, 68 ans, défend avec conviction face à ce qu'il juge être "une pseudo-élite nourrie par un pays étranger". Les manifestants, qui ont déjà organisé plusieurs rassemblements dans le centre-ville de Tbilissi ces dernières semaines, brandissant des drapeaux de la Géorgie et de l'Union européenne, voire des drapeaux ukrainiens, voient eux la main de la Russie derrière le texte.

"Je suis prêt à me battre jusqu'à la victoire", a dit à l'AFP Anri Papidzé, un étudiant de 21 ans, venu manifester samedi. Ce projet de loi "nous menace", a fait valoir Luka Bereia, un étudiant leader de la manifestation. "Nous ne voulons pas être exclus", a déclaré le jeune homme de 24 ans. Il a déclaré qu'il prévoyait de passer la nuit devant le parlement et qu'il se préparait à une "nuit extraordinaire", affirmant qu'il n'avait pas peur des forces de police.

Fortes tensions

La tension entre partisans et opposants au texte est montée d'un cran samedi, lors d'un rassemblement d'ampleur de ses détracteurs pourtant pacifique. Car si l'opposition a montré son unité contre le texte, le parti au pouvoir ne semble à ce stade pas prêt à reculer, provoquant une énième crise politique dans ce petit pays du Caucase habitué aux remous. Des représentants d'ONG ont affirmé avoir été menacés ou intimidés ces derniers jours, qualifiés d'"agents de l'étranger" par les plus fervents défenseurs de la loi.

En avril, lors de précédentes manifestations, la police avait dispersé la foule à coup de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc. La loi sur "l'influence étrangère" avait d'abord été présentée par le Rêve géorgien en 2023. Mais des manifestations massives avaient déjà forcé le gouvernement à la mettre au placard. Son retour, début avril, a créé la surprise et suscité la colère de nombreux Géorgiens, notamment les plus jeunes.

Ces troubles surviennent à quelques mois d'élections législatives, en octobre, considérées comme un test important pour la démocratie dans cette ex-république soviétique. En décembre 2023, l'UE a accordé à la Géorgie le statut de candidat officiel, mais a déclaré que Tbilissi devrait mener des réformes de ses systèmes judiciaire et électoral, accroître la liberté de la presse et limiter le pouvoir des oligarques avant que les négociations d'adhésion ne soient officiellement lancées.