Les Égyptiens aux urnes pour une présidentielle acquise au président sortant Sissi

egypte
© KHALED DESOUKI / AFP
  • Copié
avec AFP / Crédit photo : KHALED DESOUKI / AFP
Les Égyptiens votent dimanche pour une présidentielle largement éclipsée par la guerre dans la bande de Gaza voisine et à l'issue de laquelle le président sortant, Abdel Fattah al-Sissi, semble assuré de remporter un troisième mandat.

Dans le pays de 106 millions d'habitants confronté à la plus grave crise économique de son histoire, le pouvoir d'achat est la priorité, deux tiers de la population vivant en dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté. Quelque 67 millions d'électeurs sont appelés à voter dimanche, lundi et mardi de 7 heures à 19 heures (GMT) avant les résultats officiels le 18 décembre. Des dizaines d'électeurs de tous âges se pressaient dimanche devant des écoles du centre du Caire, au milieu d'un important dispositif de sécurité et sous des affiches proclamant "Sortez et participez" au son de chants nationalistes.

Trois autres candidats globalement inconnus du grand public

Hormis le président sortant, trois candidats globalement inconnus du grand public sont en lice : Farid Zahran, à la tête du Parti égyptien démocratique et social (gauche), Abdel-Sanad Yamama, du Wafd, parti centenaire mais désormais marginal, et Hazem Omar, du Parti populaire républicain. "Je ne connais que le président Sissi, les autres candidats, je ne les connais pas", affirme ainsi à l'AFP Asmaa Rafaat, quadragénaire qui vote au Caire.

Malgré les difficultés de l'Égypte, aucune opposition sérieuse ne semble pouvoir exister sous le règne de Sissi, cinquième président issu des rangs de l'armée depuis 1962, qui dirige le pays d'une main de fer.

"Atmosphère étouffante"

Loin de passionner les foules, la campagne présidentielle s'est déroulée en novembre dans l'ombre de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien, qui accapare l'attention des médias et de l'opinion publique. Les talk-shows, proches des services de renseignement et fervents partisans du président Sissi, tentent désormais de lier les deux. "Il y a deux millions (de Gazaouis) qui veulent rentrer chez nous (…), on ne peut pas rester assis à regarder, on va sortir et dire 'non au transfert'" des Palestiniens, plaide ainsi le présentateur Ahmad Moussa, reprenant mot pour mot un discours de Abdel Fattah al-Sissi au début de la guerre.

"Il nous faut quelqu'un capable de gérer ce qui se passe à la frontière avec Gaza", abonde une électrice quinquagénaire qui refuse de donner son nom, pour qui la question prime sur "la vie chère". Fethi Ali, 79 ans, vote dans le centre du Caire et ne veut qu'une chose : "que le prochain président mette en place une couverture maladie pour tous", l'un des grands projets de la présidence Sissi, qui peine à décoller.

Le journaliste et militant Khaled Dawood dénonce "une atmosphère étouffante de suppression des libertés, un contrôle total des médias, et des services de sécurité qui empêchent l'opposition d'agir dans la rue". "Nous ne nous faisons aucune illusion: le scrutin ne sera (…) ni crédible ni équitable", écrit-il sur Facebook. Mais il votera pour Zahran, afin d'"envoyer un message clair au régime": "nous voulons un changement", car "après dix ans, les conditions de vie des Egyptiens se sont détériorées et nous risquons la faillite à cause de (sa) politique".

 

Douloureuses réformes

Aux présidentielles de 2014 et 2018, l'ex-maréchal Sissi, arrivé au pouvoir en 2013 en renversant l'islamiste Mohamed Morsi, l'avait emporté avec plus de 96% des suffrages. Il a depuis allongé la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans et fait modifier la Constitution pour repousser la limite de deux à trois mandats présidentiels consécutifs. À la dernière présidentielle, la participation avait atteint 41,5%, soit six points de moins qu'au scrutin précédent.

Mais nombre d'Égyptiens estiment que Sissi est l'artisan du retour au calme après le chaos ayant suivi la "révolution" de 2011 et la chute de Hosni Moubarak après 30 ans de règne. Dès le début de son premier mandat en 2014, Abdel Fattah al-Sissi avait promis de ramener la stabilité, y compris économique. Un ambitieux mais douloureux programme de réformes, avec dévaluations et diminution des subventions d'État, a été entrepris depuis 2016.

Des mesures qui ont entraîné une flambée des prix, nourri le mécontentement de la population et vu la base populaire et même les soutiens étrangers de Sissi s'étioler au fil des années. La dette a été multipliée par trois, et les méga-projets souvent attribués à l'armée n'ont pas produit jusqu'ici les rendements promis. Mais, note le chercheur Yezid Sayigh, "Abdel Fattah al-Sissi ne peut pas imposer de changement à l'armée, car cela pourrait lui coûter sa présidence". "Il faut que le prochain président améliore nos conditions de vie et fasse baisser les prix", réclame malgré tout Asmaa Rafaat, l'électrice du Caire.