Grâce à la légalisation, des États américains peuvent désormais prélever une taxe sur ces ventes de cannabis. (photo d'illustration) 9:00
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Mathilde Belin , modifié à
Les journalistes Xavier Deleu et Stéphanie Loridon reviennent samedi sur Europe 1 sur leur enquête consacrée aux conséquences de la légalisation du cannabis, notamment en Amérique du Nord.
INTERVIEW

190 millions de personnes consomment du cannabis dans le monde. Et la législation entourant la consommation et la vente de marijuana évolue dans de nombreux pays. Les journalistes Stéphanie Loridon et Xavier Deleu se sont penchés sur le sujet et ont sorti une enquête internationale, Big Marijuana, quand le deal devient légal (en librairie et en replay sur Arte). Ils se sont notamment intéressés aux conséquences de cette légalisation, que ce soit sur les producteurs, les trafiquants mais aussi les revendeurs autorisés.

Des producteurs en crise, des trafiquants en "reconversion"

"Jusqu’ici, les fournisseurs de weed illégale pour les États-Unis étaient au Mexique. On est allés voir les gens qui travaillent pour approvisionner cette chaîne, ceux qui cultivent, qui sont des sortes de grossistes qui livrent aux cartels, et chez eux, c’est la crise", rapporte Xavier Deleu au micro de Philippe Vandel, samedi. "Ils n’arrivent plus à vendre leur herbe, ils essaient alors de trouver une herbe de meilleure qualité car ils ne sont plus du tout compétitifs. Mais aujourd’hui les cartels se tournent vers un plan B : ils vont vers d’autres drogues, dont l’héroïne, qu’on retrouve en force dans plusieurs États comme le Michigan", souligne-t-il.

Mais Xavier Deleu tient à préciser que les consommateurs d’héroïne aux États-Unis ne seront pas pour autant les mêmes clients de ces cartels qui vendaient auparavant du cannabis : "un consommateur de weed ne va pas se mettre demain à consommer de l’héroïne." Selon lui, la légalisation du cannabis a un premier impact sur l'activité professionnelle de ces cartels : "Quand on légalise, les trafiquants perdent le marché de la marijuana, donc ils vont faire d’autres activités. Donc la légalisation ne fait pas disparaître les cartels ou les mafias, simplement ces derniers changent d’activité", résume-t-il.

Retombées économiques pour les États et les entreprises

Autre conséquence de la légalisation du cannabis, sur le plan financier cette fois : grâce à la légalisation, des États américains peuvent désormais prélever une taxe sur ces ventes de cannabis et financer des programmes sociaux. "Dans le Colorado, depuis qu’ils ont ouvert des magasins de cannabis légal, il y a eu 6 milliards de dollars de vente de cannabis légal en quatre ans. Ils utilisent l’argent collecté à travers l’impôt (un milliard récupéré sur les six milliards, ndlr) pour financer l’éducation, rénover des écoles, en construire, et faire des actions de prévention bien sûr", détaille Stéphanie Loridon. "Et ce sont 6 milliards qui échappent aux trafiquants", ajoute Xavier Deleu.

Au Canada, où le cannabis a été légalisé en octobre dernier par le gouvernement de Justin Trudeau, des entreprises se lancent dans ce juteux business, et notamment des groupes d’alcool comme Heineken. "Ceux qui bénéficient de la légalisation du cannabis sont des grandes entreprises. Au Canada, ce sont des entreprises spécialisées, des producteurs autorisés, le n°1 mondial est Canopy. Son président a une audace phénoménale, il va très vite, achète des boîtes de cannabis dans le monde, ouvre des installations partout", développe Stéphanie Loridon. En France, où 700.000 personnes consommeraient chaque jour du cannabis, on estime à environ 1,3 milliard d’euros le manque à gagner pour l’État.