L'avocat d'un génocidaire du Rwanda raconte pourquoi il a "défendu l'indéfendable"

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Laetitia Drevet

En 2014, Fabrice Epstein avait défendu devant le tribunal de Paris Pascal Simbikangwa, accusé d'avoir participé au génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda. "On défend l'indéfendable quand on pense qu'il y a toujours quelque chose à défendre", raconte-il mercredi sur Europe 1, à la veille d'une visite du président français à Kigali.

Le président français Emmanuel Macron est attendu jeudi au Rwanda. Il s'y rendra avec l'ambition de normaliser enfin des relations bilatérales empoisonnées depuis plus d'un quart de siècle par le rôle joué par la France dans le génocide des Tutsi de 1994. Des dizaines de personnes ont depuis été jugées devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et devant des tribunaux de différents pays. Pascal Simbikangwa avait été en 2014 le premier accusé jugé devant un tribunal français.

Dans Un génocide pour l'exemple, paru aux éditions du Cerf, son avocat Fabrice Epstein raconte ce long procès, au terme duquel son client avait été condamné à 25 ans de prison pour génocide et crime contre l'humanité. "On défend l'indéfendable quand on pense qu'il y a toujours quelque chose à défendre", témoigne-t-il mercredi sur Europe 1.

"Je le croyais fermement innocent"

Pascal Simbikangwa avait été arrêté en 2008 à Mayotte, après avoir été reconnu par une rescapée rwandaise. Lorsque Fabrice Epstein le rencontre en 2011, après avoir été commis d'office, son client est emprisonné à Fresnes. "La première rencontre a été fondatrice. C'était une sorte de test pour savoir si oui ou non il souhaitait un nouvel avocat", raconte Fabrice Epstein. La réponse est non, et le jeune conseil assurera donc sa défense lors de son procès en 2014 puis lors de la procédure en appel en 2016. Depuis la première audience, Fabrice Epstein plaide l'acquittement. "Je le croyais fermement innocent. Il a d'ailleurs été partiellement acquitté des faits dont il était accusé", rappelle-t-il.

Dans son livre, Fabrice Epstein raconte l'étonnement de ses proches lorsqu'il leur a appris qu'il défendrait Pascal Simbikangwa, lui dont plusieurs membres de la famille sont morts pendant la Shoah. Il explique aujourd'hui avoir fait "la part des choses". "Quand on décide de s'attaquer à une cause comme celle-là, les médias et l'Etat sont contre vous. Il y a une grande exigence de justice. C'est là où le travail d'avocat prend toute sa justification. En défendant quelqu’un qui a participé à la Shoah, on ne défend pas le nazisme. En défendant Pascal Simbikangwa, je n'ai pas eu le sentiment de défendre le gouvernement dit génocidaire." Fabrice Epstein conclut : "Il n'est pas un monstre dans ma vision d'avocat."