Sheikh Mohammed bin Zayed Al-Nahyan (R) et Naftali Bennett 3:45
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Vincent Hervouët
Chaque matin, Vincent Hervouet nous livre son regard sur l'actualité internationale. Ce lundi, il revient sur la première visite de Naftali Bennett, le Premier ministre israélien, aux Émirats arabes unis. Une visite prudente car une partie de la population reste hostile au développement de l'alliance entre Israël et les Emirats arabes unis.
EDITO

C'est le couronnement de l'alliance forgée par Donald Trump, les fameux accords d'Abraham. Naftali Bennett a raison d'être lyrique parce que personne ne le sera à sa place. Les Émiratis ont accueilli discrètement le Premier ministre. La presse n'était pas conviée à l'arrivée et il n'y a eu aucun communiqué officiel. Une partie de la population reste hostile à la normalisation et c'est facile à comprendre : pendant 70 ans, on lui a enseigné que le diable au Moyen-Orient s'appelait l'entité sioniste. Le monde arabe devait se battre jusqu'au dernier des Palestiniens et dire non à Israël. Pas de reconnaissance, pas de négociation, pas de paix. Trois fois non, comme un exorcisme.

Évidemment, il y avait des accommodements avec Satan. Les responsables de renseignements émiratis et israéliens se voyaient la nuit, comme on dit en Afrique. Les relations se sont développées dans les années 90 et depuis un an, c'est un tourbillon. Les vols d'EL AL sont pleins, les touristes débarquent, les banquiers aussi. Des accords sont signés dans tous les domaines, de la fiscalité à la high-tech. Israël a ouvert une ambassade à Abu Dhabi et prévoit d'investir 10 milliards de dollars. Ce qui était le mal absolu est devenu soudain un bien souverain. Le conflit israélo-arabe s'est évanoui.

Ligne de front face à Téhéran

Une autre guerre est prête à commencer. Les pays du Golfe et Israël sont sur la même ligne de front face à Téhéran. Leurs intérêts vitaux sont en cause. Abou Dhabi est à moins de 100 kilomètres des Gardiens de la révolution (Iran) pour qui Israël est en tête de liste de des cibles à abattre. Cet ennemi commun les unit sous l'aile puissante des Américains.

Au printemps des B-52, les bombardiers stratégiques ont survolé le Moyen-Orient avec une escorte de chasseurs F-15 israéliens, saoudiens, qataris. On peut difficilement étaler sa force en étant plus clair. Et c'est la deuxième raison qui pourrait expliquer la retenue de l'Emirat, hier (la première raison étant l'hostilité de la population émiratie envers Israël).

La question du nucléaire

On est à un tournant dans le bras de fer autour du nucléaire. L'équipe Biden était pressée de négocier alors que les Iraniens jouent la montre. Ils palabrent sur l'ordre du jour, mais jamais en direct. Ils refusent le tête-à-tête avec la délégation américaine. Ils ont tout arrêté en juin à cause de l'élection présidentielle en Iran. Et ça dure. Ça a duré pendant cinq mois pleins. Pendant ce temps, les centrifugeuses tournaient à plein régime et les inspecteurs de l'AIEA restent à la porte des installations sensibles. L'administration démocrate s'est résignée à envisager autre chose. Le plan B - comme Boum, badaboum! - le G7, réuni hier à Londres, dit que c'est la dernière chance de l'Iran de présenter une solution sérieuse. Washington fait savoir que les armées américaines, israéliennes, de Bahreïn et des Emirats arabes s'entraînent ensemble en mer Rouge.

Les Iraniens ont visiblement compris le message hier pour la première fois et se sont félicités de progrès à Vienne. On ne voit pas lesquels. Tout ce qu'on voit, c'est que les Émiratis rentrent la tête dans les épaules et que leur prince héritier va parler tout à l'heure de sécurité avec le premier ministre d'Israël.