La Chine lance des manœuvres militaires autour de Taïwan, une «punition» envers son nouveau président

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avec AFP , modifié à
Taïwan a qualifié jeudi de "provocations et actions irrationnelles" les manœuvres militaires chinoises menées autour de son territoire, que Pékin présente comme une "punition sévère" pour des "actes séparatistes", trois jours après l'investiture du président taïwanais Lai Ching-te.

La Chine a lancé jeudi des manœuvres militaires d'ampleur autour de Taïwan, qu'elle présente comme une "punition sévère" envers son nouveau président Lai Ching-te et immédiatement qualifiées par Taipei de "provocations et actions irrationnelles".

La Chine estime que Taïwan est l'une de ses provinces, qu'elle n'a pas encore réussi à réunifier

Cette semaine, Pékin avait qualifié le discours d'investiture prononcé lundi par M. Lai d'"aveu de l'indépendance de Taïwan" et l'avait menacé de "représailles". La Chine estime que Taïwan est l'une de ses provinces, qu'elle n'a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. 

Ses exercices militaires ont débuté jeudi à 07H45 (23H45 GMT mercredi) et doivent durer jusqu'à vendredi inclus, a indiqué dans un communiqué Li Xi, le porte-parole du théâtre Est de l'armée chinoise. Ils se déroulent "dans le détroit de Taïwan, au nord, au sud et à l'est de l'île de Taïwan, ainsi que dans les zones situées autour des îles de Kinmen, Matsu, Wuqiu et Dongyin". Ces dernières îles, en particulier Kinmen, sont situées à proximité immédiate de la côte est chinoise.

L'armée de terre, la marine, l'armée de l'air et l'unité des fusées impliquées

Les manœuvres constituent une "punition sévère pour les actes séparatistes des forces +indépendantistes de Taïwan+ et un avertissement sévère contre l'ingérence et la provocation des forces extérieures", a indiqué Li Xi. La Chine dit privilégier une réunification "pacifique" avec le territoire insulaire peuplé de 23 millions d'habitants et gouverné par un système démocratique. Mais elle n'a jamais renoncé à employer la force militaire.

Baptisées "Joint Sword-2024A", ces nouvelles manœuvres impliquent l'armée de terre, la marine, l'armée de l'air et l'unité des fusées. L'objectif est de "tester les capacités de combat réelles conjointes des forces du commandement", a indiqué le porte-parole, à travers notamment "la prise de contrôle de l'ensemble du champ de bataille et des frappes de précision sur des cibles clés".

Pour Taïwan, ces manœuvres sont des "provocations irrationnelles"

Le ministère taïwanais de la Défense a "condamné fermement" ces manœuvres chinoises, qu'il a qualifiées de "provocations et actions irrationnelles". "Nous avons déployé des forces maritimes, aériennes et terrestres en réponse (...) pour défendre la liberté, la démocratie et la souveraineté" de l'île, a-t-il souligné. Les garde-côtes taïwanais ont, eux, annoncé avoir déployé leur flotte en mer pour défendre "fermement la souveraineté et la sécurité" de l'île.

La télévision étatique chinoise CCTV a publié une carte montrant les neuf zones où se déroulent les exercices militaires. La plus proche de l'île de Taïwan semble située à moins de 50 kilomètres des côtes. 

Lors de sa prestation de serment lundi, Lai Ching-te, qualifié par le passé de "dangereux séparatiste" par Pékin, a promis de défendre la démocratie face à ce qu'il présente comme des menaces chinoises. Il a appelé Pékin à "cesser ses intimidations politiques et militaires", en cours depuis plusieurs années. Les séparatistes taïwanais "seront cloués au pilori de la honte pour l'histoire", avait réagi mardi le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi. "La trahison de Lai Ching-te envers sa nation et ses ancêtres est honteuse", avait ajouté le ministre, qui reproche notamment à Lai Ching-te de vouloir creuser la séparation culturelle entre l'île et le continent.

Les autorités taïwanaises renforcent leurs liens avec les États-Unis

Cette semaine, la Chine a également répliqué en sanctionnant plusieurs entreprises américaines pour dénoncer la vente d'armes par les États-Unis à Taïwan. Depuis l'arrivée au pouvoir sur l'île de Tsai Ing-wen (2016-2024), dont le parti, le même que Lai Ching-te, considère ce territoire comme déjà indépendant, les autorités taïwanaises ont renforcé leurs liens avec les États-Unis.

"S'appuyer sur les pays étrangers, c'est faire fausse route", a indiqué jeudi l'armée chinoise dans un message montrant d'impressionnantes et menaçantes images d'avions de chasse, de navires et un missile s'envolant dans un panache de fumée. "La patrie doit être réunifiée et sera inévitablement réunifiée", a-t-elle souligné.

Les précédents exercices militaires chinois d'ampleur autour de Taïwan avaient eu lieu en août 2023, une "sévère mise en garde" selon Pékin après une visite de M. Lai, alors vice-président, aux États-Unis. Avant cela, Pékin avait aussi lancé des manœuvres d'une envergure historique en août 2022 après la visite sur l'île de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants des États-Unis. "L'exercice actuel s'appelle Joint Sword-2024A, ce qui signifie probablement qu'il y en aura plusieurs cette année", le "A" laissant entendre qu'il s'agit du premier d'une série de manœuvres, indique l'analyste Bill Bishop dans sa lettre d'information Sinocism.

Un conflit ouvert dans le détroit de Taïwan, même si la plupart des experts excluent cette hypothèse à court terme, aurait un effet dévastateur pour l'économie: plus de 50% des conteneurs transportés dans le monde transitent par ce détroit et l'île produit 70% des semi-conducteurs de la planète.