État d'urgence, juges arrêtés : que se passe-t-il aux Maldives ?

L'opposition a appelé mardi à une intervention internationale pour renverser le président des Maldives Abdulla Yameen.
L'opposition a appelé mardi à une intervention internationale pour renverser le président des Maldives Abdulla Yameen. © Roberto SCHMIDT / AFP
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avec AFP
Le petit archipel de l'océan Indien s'est enfoncé dans la crise politique cette semaine, après des années de dérive autoritaire du président Abdulla Yameen.

Dans l'imaginaire collectif, les Maldives se résument aux plages de sable blanc et aux mers bleu turquoise. Mais ce petit archipel sunnite de l'océan Indien est en proie à une sévère crise politique ces derniers jours. Le président de la Cour suprême a été arrêté, l'état d'urgence décrété et l'opposition appelle à une intervention internationale pour renverser le président Abdulla Yameen. Mardi, la Cour suprême a cependant annoncé revenir sur son arrêt ordonnant la libération de neuf opposants politiques, "à la lumière des inquiétudes exprimées par le président". Europe1.fr vous résume la situation.

Quels sont les acteurs de la crise ?

Abdulla Yameen, l'omniprésident. Le personnage central de cette crise, c'est bien sûr le président des Maldives lui-même, Abdulla Yameen. Élu en 2013 à la surprise générale et dans des circonstances controversées, il a mené ces dernières années une politique de répression féroce contre ses détracteurs. C'est simple : presque toute l'opposition politique est en prison ou en exil, et la société civile est muselée, malgré les protestations et les pressions internationales.

Lundi soir, Abdulla Yameen a décrété l'état d'urgence pour une durée de 15 jours dans l'archipel peuplée de 340.000 habitants. Ce régime d'exception vient renforcer les pouvoirs déjà très vastes des forces de sécurité pour arrêter et maintenir en détention des suspects.

La Cour suprême, le nœud de la crise. Le président de la Cour suprême Abdulla Saeed et un autre juge ont été arrêtés mardi au petit jour pour "corruption" par des policiers lourdement armés, cinq jours après que la haute juridiction a infligé un camouflet au régime maldivien en cassant les condamnations de neuf éminents opposants. Réduite à trois juges, la Cour a finalement décidé de revenir sur sa décision mardi, "à la lumière des inquiétudes exprimées par le président".

La libération des opposants permettait théoriquement à l'opposition de retrouver la majorité absolue au Majlis, le parlement de l'archipel qui compte 85 sièges, et lui donnait le pouvoir de renverser le gouvernement et le président.

Mohamed Nasheed, l'ennemi juré. Le volte-face de la Cour suprême ne devrait cependant pas calmer l'opposition, qui, bien que disparate, s'est néanmoins trouvé un leader : Mohamed Nasheed, l'ex-président en exil. Premier chef de l'État démocratiquement élu de l'histoire du pays à l'instauration du multipartisme en 2008, il avait écopé de 13 ans de prison pour terrorisme en 2015. Une condamnation politiquement motivée selon les Nations unies et la Cour suprême. Incarcéré, il avait obtenu l'asile au Royaume-Uni l'année suivante à la faveur d'une permission médicale.

Arrêt de la Cour suprême ou non, Mohamed Nasheed a clairement affiché son intention de se présenter au scrutin présidentiel qui doit se tenir cette année. Sous sa houlette, l'opposition a tenté à plusieurs reprises, sans succès jusqu'ici, de destituer le président Yameen par la voie législative. L'histoire semble donc à nouveau se répéter pour ce combattant infatigable contre le réchauffement climatique.

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© Vincent LEFAI, Laurence CHU / AFP

Maumoon Abdul Gayoom, le demi-frère qui a changé de camp. Le président Abdulla Yameen est à ce point contesté que son demi-frère, Maumoon Abdul Gayoom, a rejoint l'opposition l'an passé. Et Maumoon Abdul Gayoom n'est pas n'importe qui, puisqu'il a lui aussi gouverné l'archipel, de 1978 à 2008. Lundi, il a été arrêté à son domicile de la capitale, Malé.

L'armée, un soutien potentiellement fragile. Le chef des forces armées soutient publiquement le président Yameen. Du moins pour l'instant. Car selon des observateurs, l'arrestation de l'ex-dirigeant Gayoom pourrait diviser les forces de sécurité, au sein desquelles il reste très respecté. Selon le site Maldives Independent, celui qui a dirigé les îles d'une main de fer pendant 30 ans a reçu le salut des policiers antiémeutes lors de son arrestation. En cas de menace, Yameen peut aussi compter sur le soutien – a priori indéfectible - de la Chine et de l'Arabie saoudite, desquels il s'est fortement rapproché durant son mandat.

Les yeux sont aussi tournés vers la rue, où de nouvelles manifestations pourraient germer.

Qu'en est-il du tourisme ?

Îles vulnérables au réchauffement climatique, les Maldives sont un haut lieu du tourisme de luxe, particulièrement prisées des jeunes mariés en lune de miel.

Premier pourvoyeur de touristes aux Maldives, la Chine a d'ores et déjà déconseillé à ses ressortissants de se rendre dans le pays. Une consigne qui tombe mal pour l'industrie touristique maldivienne car la fête du printemps chinois, mi-février, représente normalement le pic de la fréquentation chinoise.

D'autres pays comme l'Inde et la France ont émis des avertissements similaires, quand la Grande-Bretagne et les États-Unis ont seulement suggéré à leurs citoyens de faire preuve de prudence. Mardi, de nombreux hôtels dans la capitale Malé refusaient de prendre des réservations. L'année dernière, environ 1,4 million d'étrangers ont fait le déplacement aux Maldives, contre 1,28 million l'année précédente.