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Jean-Sébastien Soldaïni, avec AFP édité par Mathilde Durand , modifié à
Depuis dimanche, les révélations autour de l'espionnage de journalistes, élus et militants par le logiciel israélien Pegasus font scandale. Parmi les cibles françaises, qui auraient été espionnées par les services secrets marocains, Lénaïg Bredoux, journaliste à "Mediapart". "C'est une atteinte à toutes nos libertés, à toutes et à tous", confie-t-elle à Europe 1. 
TÉMOIGNAGE

Un scandale mondial. Une enquête publiée par un consortium de 17 médias, dont Le Monde, The Guardian ou encore le Washington Post a révélé l'espionnage de plusieurs milliers de journalistes, d'opposants politiques ou encore de responsables diplomatiques grâce au logiciel israélien Pegasus, de la société NSO Group. Ce dernier s'introduit dans les smartphones et permet de récupérer les messages, les photos, les contacts ou encore d'écouter les appels du propriétaire.

Au total, les organisations Forbidden Stories et Amnesty International ont eu accès à une liste, établie en 2016, de 50.000 numéros de téléphone que les clients de NSO avaient sélectionnés en vue d'une surveillance potentielle. En France, des journalistes de Mediapart et du Canard enchaîné ont été ainsi espionnés par les services secrets marocains. 

Une plainte déposée

Parmi les cibles françaises, Lénaïg Bredoux, journaliste à Mediapart. Le média en ligne a décidé de déposer plainte ce lundi auprès du procureur de la République de Paris. "Ce n'est pas du tout agréable, il faut bien le reconnaître", confie-t-elle sur Europe 1, pointant une situation "assez inhabituelle". "Et puis après, évidemment, vous avez immédiatement une pensée pour les milliers d'autres personnes qui ont été ciblées : 50.000 cibles, c'est énorme."

Le Canard Enchaîné, qui fait partie selon Le Monde des médias français dont des journalistes ont été visés, a également assuré qu'il allait saisir la justice. "Nous allons porter plainte contre X avec constitution de partie civile", a précisé Michel Gaillard, qui préside la société d'édition du journal, ajoutant que le dossier de cette plainte était en cours de constitution.

Selon l'enquête réalisée par le consortium, au moins 180 journalistes, 600 hommes et femmes politiques, 85 militants des droits humains, ou encore 65 chefs d'entreprise sont concernés notamment des correspondants étrangers de plusieurs grands médias, dont France 24, Mediapart ou l'AFP. Edwy Plenel, directeur de la rédaction du média indépendant, figure également parmi les journalistes espionnés. 

"Vous pouvez imaginer des moyens de pression ou des chantages personnels"

Lénaïg Bredoux est interpellée par la "qualité des cibles". "Ce sont beaucoup de journalistes, de militants des droits humains, d'opposants politiques dans des pays où les régimes sont bien souvent des régimes autoritaires, mais aussi des diplomates, des magistrats, des responsables politiques de premier plan…", énumère-t-elle. "A partir du moment où vous savez avec qui parle quelqu'un, vous pouvez imaginer des montages, des moyens de pression, utiliser des chantages personnels pour faire taire professionnellement des gens".

Pour la journaliste, devenue "gender éditor" de Mediapart et enquêtant particulièrement sur les violences sexistes et sexuelles, ce piratage n'est pas qu'une affaire "de journalistes". "Ces données privées vous donnent potentiellement un moyen de chantage sur des journalistes, des militants ou des opposants. C'est là où c'est grave et c'est là où ce n'est pas qu'une histoire de journalistes ou une histoire corporatiste. C'est une atteinte à toutes nos libertés, à toutes et à tous."