Disparition du sous-marin San Juan : une semaine de mystère et de faux espoirs en Argentine

Depuis sept jours, un sous-marin militaire argentin a disparu dans l'océan Atlantique sud.
Depuis sept jours, un sous-marin militaire argentin a disparu dans l'océan Atlantique sud. © EITAN ABRAMOVICH / AFP
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M.Be avec agences , modifié à
Une semaine s'est écoulée depuis la dernière communication avec le sous-marin militaire argentin. Une situation critique car les 44 marins du submersible pourraient bientôt manquer d'oxygène.

Sept jours après avoir disparu dans l’Atlantique sud, le sous-marin argentin reste introuvable. Et le bâtiment militaire submersible San Juan rentre désormais dans une phase critique alors que les stocks d’oxygène pourraient être bientôt épuisés mercredi soir. Tandis que les recherches se poursuivent pour retrouver les 44 marins à son bord, l’Argentine retient son souffle.

Une disparition mystérieuse

À 7h30 locales mercredi 15 novembre, le San Juan a donné sa dernière communication. La Marine argentine a révélé lundi que le sous-marin militaire avait signalé une avarie avant que la communication ne coupe. Une avarie qui n’a pas été jugée suffisamment grave pour déclencher une procédure d’urgence : "le bâtiment est remonté à la surface et il a communiqué une avarie, le commandement lui a alors dit de changer de cap et de faire route vers Mar del Plata", sa base navale, avait détaillé le chef de la base lors d'une conférence de presse, précisant qu’il s’agissait d’"un problème de batteries, un court-circuit".

Depuis, la Marine ne sait toujours pas ce qu’il s’est passé. "Pour le moment, nous n'avons aucune trace du sous-marin, les recherches continuent. Il n'y a aucun type de contact détecté, ni d'indices", a déclaré le porte-parole de la marine, Enrique Balbi, lors d'un point presse mercredi. Et les autorités ne privilégient aucune piste à ce stade : le sous-marin peut aussi bien se trouver en surface qu’en profondeur, à la dérive ou être encore motorisé mais simplement privé de moyens de communication. Selon le protocole, le San Juan aurait dû remonter à la surface ou activer une balise radio de détresse en constatant la rupture de contact avec sa base, ce qu’il n’a pas fait.

Parti pour 35 jours, le San Juan effectuait une mission de surveillance entre Ushuaia et Mar del Plata. Il a entamé son voyage retour lorsqu’il a disparu le 15 novembre. Le sous-marin de 65 mètres de long et 7 mètres de diamètre, aurait dû regagner sa base le 20 novembre. Il constitue l’un des trois sous-marins de la flotte argentine. Remis en état en 2014, il a été décrit officiellement comme "totalement opérationnel" par les autorités.

De faux espoirs. Selon le journal argentin Clarin mardi, un objet métallique a été détecté à plusieurs centaines de kilomètres au nord de la dernière position donnée par le sous-marin. Des navires ont mis le cap vers cette nouvelle piste. Lors du dernier échange, le San Juan avait signalé une position à environ 430 km de la Patagonie. Si ce signal redonne de l’espoir, il n’en demeure pas moins difficile de détecter un sous-marin, conçu pour ne pas l’être, dans une mer déchaînée avec des vagues de 5 à 8 mètres.

D’autant que jusqu'à présent, tous les possibles indices de présence du sous-marin n’ont donné que de faux espoirs : mardi, la Marine a fait état de fusées éclairantes blanches aperçues d'un avion… avant de préciser que celles du San Juan étaient de couleur rouge ou verte. Et le canot de sauvetage repêché dans des conditions difficiles n'appartenait pas non plus au sous-marin. Lundi, deux autres pistes se sont évaporées : les experts avaient déterminé que les bruits détectés par le sonar de deux navires ne provenaient pas du San Juan, ni les sept appels reçus samedi par des bases navales argentines, un temps considérés comme des appels de détresse du sous-marin.

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Les recherches se poursuivaient mercredi. ©AFP PHOTO / ARGENTINE NAVY / HO

Les chances de survie s’amenuisent

En dépit de ces faux espoirs, les recherches s’intensifient chaque jour pour retrouver les 44 marins. Plus de 4.000 personnes de huit pays – dont la France - participent aux opérations. La zone initiale de recherches, de 300 km de diamètre, a été quadrillée à 100% par une dizaine de navires et d’avions, avant d’être étendue à un périmètre de 1.000 km, presque la superficie de l’Hexagone. Dans les airs, des avions tentent de repérer le "château" du sous-marin, tandis que des sonars sont à l’œuvre dans l’océan dans l'hypothèse où il serait posé sur le fond.

Un 7e jour décisif. La journée de mercredi s’annonce décisive pour les recherches : selon la Marine, une accalmie offre des conditions météo "idéales", alors que depuis six jours la mer déchaînée limitait la localisation. Cette journée est d’autant plus décisive que les réserves d’oxygène pourraient être épuisées d’ici mercredi soir. "Notre inquiétude va crescendo. Nous entrons petit à petit dans une phase critique. Aujourd'hui s'est achevé le sixième jour sur sept, où le pire scénario est envisagé", avait affirmé mardi soir le porte-parole de la Marine.  

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En immersion, le San Juan a une capacité en oxygène, pour ses 44 membres d'équipage, de sept jours et sept nuits. L'autonomie peut atteindre plusieurs semaines si le submersible peut remonter régulièrement pour renouveler l'air. "Le moteur diesel (du sous-marin) ne fonctionne qu'avec l'apport d'air extérieur. Donc le sous-marin doit remonter à la surface ou utiliser une sorte de tuba pour chercher l'air à la surface", explique sur Europe 1 le vice-amiral français Jean-Louis Vichot. "Il y a encore une chance raisonnable de les retrouver car ils ne sont pas encore arriver à la limite de leur capacité d’air respirable à bord, ils en ont encore pour probablement un ou deux jours", estime-t-il par ailleurs, expliquant qu’il existe des moyens pour limiter sa consommation d’oxygène comme réduire son activité physique.

Si le San Juan se trouve à la surface de l'océan, il ne peut pas couler et une telle situation permettrait le sauvetage de l’équipage. Toutefois, la Marine argentine a anticipé une éventuelle localisation du submersible en profondeur : deux navires ont été appareillés mardi avec des modules qui peuvent secourir 16 personnes à la fois, jusqu’à 600 mètres de profondeur.

L’Argentine retient son souffle.
Les Argentins ont multiplié les messages de soutien aux proches des membres de l’équipage. Des drapeaux argentins, des images de la Vierge et le chiffre "44", en référence au nombre de marins disparus, arborent désormais les grilles de la base navale de Mar del Plata. Une centaine de proches y logent depuis jeudi dernier, où ils sont informés de l’évolution de la situation. Le président argentin est venu en personne lundi leur apporter son soutien et participer à une prière collective. Une cellule psychologique a également été mise en place.

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©EITAN ABRAMOVICH / AFP