Contestation en Iran : "On est face à un mouvement d'une très grande maturité"

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Pour Jean-Pierre Filiu, spécialiste du Moyen Orient, les manifestations qui ont agité l'Iran ces derniers jours ciblent la nature même du régime et sa politique expansionniste. 
INTERVIEW

Des manifestations ont éclaté dans tout le pays. En Iran, le pouvoir doit faire face à une importante vague de contestation depuis plusieurs jours. Jeudi, l'armée a pourtant annoncé la fin du mouvement de "sédition" qui a fait jusqu'à présent 21 morts et conduit à des centaines d'arrestations. "On est face à un mouvement diffus, dont c'est justement la grande force", estime dans la matinale d'Europe 1 Jean-Pierre Filiu, professeur à Science Po en histoire du Moyen Orient contemporain. "On va chercher des meneurs ; le régime iranien a déjà dénoncé des mains étrangères, ce qui est de l'ordre de la propagande la plus crue", pointe ce spécialiste, alors que le président Hassan Rohani a appelé Emmanuel Macron à agir contre "un groupe terroriste" basé en France et à l'origine, selon lui, des manifestations dans son pays.

Une panique au sommet. "Je crois que l'on est face à un mouvement d'une très grande maturité qui a beaucoup appris de l'échec de la mobilisation de 2009, quand les Iraniens et les Iraniennes étaient descendus par dizaines, par centaines de milliers dans les rues pour contester les résultats de l'élection présidentielle", rappelle l'universitaire. "Cette fois-ci, ce ne sont pas les règles du jeu qu'ils contestent, mais le régime lui-même. C'est ça qui panique au sommet de l'Etat iranien."

Un fossé entre le pouvoir et la population. "Ce qui me frappe, c'est que l'un des premiers slogans qui a retenti était de dénoncer la politique d'expansion de la République islamique en Syrie, avec son aide au régime de Bachar al-Assad. Ça brise le mythe de l'Iran uni dans ses projets de grandeur régionales, alors que l'on voit bien que c'est le régime, et pas la population, qui voudrait plutôt que l'on s'occupe de son niveau de vie plutôt que de se lancer dans des aventures comme celles de la Syrie, de l'Irak, voire du Yémen", relève Jean-Pierre Filiu, toujours au micro de Patrick Cohen, sur Europe 1.

"Les sujets qui fâchent". Emmanuel Macron a prévu de se rendre en Iran dans l'année. Pour Jean-Pierre Filiu, ce déplacement doit être l'occasion d'infléchir les positions de Téhéran. "Il faut à tout prix que cette initiative française se développe. Non seulement la France a été au cœur de l'adoption de l'accord sur le nucléaire iranien, qu'aujourd'hui Donald Trump voudrait remettre en cause, mais la France doit parler avec l'Iran des sujets qui fâchent et pour cela, rien de mieux qu'un dialogue au sommet", conclut le spécialiste.