Canada : un couple de marginaux accusé à tort d'être des djihadistes

© MARK WALLHEISER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
  • Copié
avec AFP
Des policiers qui soupçonnaient un homme de vouloir acheter du nitrate de potassium ont monté 28 scénarios pour le faire accuser, aux côtés de sa femme, d'activités terroristes. 

La Cour suprême de Colombie-Britannique a estimé vendredi que la police avait manipulé et piégé un couple de Canadiens, déclarés coupables en 2015 d'activités terroristes, et a ordonné leur remise en liberté immédiate.

28 scénarios inventés. Dans un jugement inédit, la haute juridiction de la province de l'ouest canadien a vivement blâmé la police fédérale qui a instrumentalisé deux marginaux pour les présenter comme des djihadistes. John Nuttall, 41 ans, et son épouse Amanda Korody, 33 ans, avaient été accusés l'an dernier d'avoir préparé des engins explosifs avec l'objectif de faire le maximum de victimes lors des célébrations de la fête nationale canadienne en 2013.

En 2013, la GRC (Gendarmerie royale du Canada), alertée par les services de renseignement, avait placé sous surveillance John Nuttall, soupçonné de vouloir acheter du nitrate de potassium. Ce dernier, un marginal et ancien toxicomane, a ensuite été contacté par des agents infiltrés. Pendant cinq mois, l'opération policière a "monté 28 scénarios allant d'un simple appel téléphonique à des rencontres complexes sur plusieurs jours", a rappelé la Cour suprême. Cette opération s'est terminée au matin du 1er juillet 2013 avec la pose de trois autocuiseurs avec des détonateurs désactivés devant le Parlement provincial, et l'arrestation du couple.

"Circonstances exceptionnelles". "La police n'a pas le droit d'ouvrir une enquête (...) à moins d'avoir une suspicion raisonnable", a rappelé la Cour suprême. "La police avait très peu de preuves au début de l'opération d'infiltration pour soutenir tout soupçon raisonnable que John Nuttall avait déjà été engagé dans des activités criminelles", selon la même source. En donnant raison au couple, la juge Catherine Bruce a qualifié de "circonstances exceptionnelles" l'abandon de charges en raison d'un abus de procédure "au motif que l'écart de conduite de l'Etat porte atteinte à l'intégrité de la justice".

"On ne peut pas dire que la police a fait preuve de mauvaise foi", a ajouté la juge de la Cour suprême tout en précisant que les enquêteurs "n'ont cependant pas agi de bonne foi". "Le monde a assez de terroristes, nul besoin de la police pour créer davantage de marginaux qui n'ont ni la capacité, ni la motivation suffisante d'agir par eux-mêmes", a conclu la juge. A la sortie de l'audience de la Cour suprême, la mère de John Nuttall a estimé n'avoir aucune raison de "haïr la police". "Dans la police, il y a des brebis galeuses comme celles auxquelles mon fils à eu affaire et j'espère que ces individus auront ce qu'ils méritent", a-t-elle ajouté.