Brexit : le plan (secret) des Britanniques dévoilé par erreur ?

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COULISSES -

La presse britannique a réussi à prendre en photo les notes d’une attachée parlementaire à la sortie du ministère du Brexit.

Dans des négociations, le plus important est de garder secrète sa stratégie jusqu’au dernier moment. C’est donc très logiquement que le gouvernement britannique refuse pour l’instant de dévoiler sa feuille de route pour sortir de l’Union européenne et s’oppose à un débat parlementaire sur le sujet qui déballerait au grand jour la tactique du Royaume-Uni. Sauf que la presse britannique a réussi à prendre en photo les notes d’une attaché parlementaire, qui donne une idée des intentions de Londres : avoir "le beurre et l’argent du beurre".

Des notes révélatrices de la stratégie de Londres. Le gouvernement est dans l’embarras depuis que la presse a réussi à photographier le cahier que portait l'attachée parlementaire du député conservateur Mark Field à la sortie du ministère du Brexit. Or, ce député n’est pas n’importe qui : vice-président du parti conservateur en charge des questions internationales mais aussi député du quartier de la City, il est plus qu’intéressé par le Brexit.

Mais que disent ces notes photographiées ? "Have cake and eat it", une expression anglais qui signifie "avoir le beurre et l’argent du beurre".  Entre les lignes, cela signifie que Londres espère toujours pouvoir fermer ses frontières à l’immigration tout en conservant un accès au marché européen, ce que l’UE refuse catégoriquement. D’après ces notes, conserver un accès pour le secteur industriel sera "relativement simple", faire de même pour les services sera plus compliqué. Le statut de la City n’est d’ailleurs pas évoqué dans ces notes.

Malgré cet optimisme, ces notes montrent aussi que Londres s’attend à un retour des barrières douanières : "nous jugeons peu probable de pouvoir garder le marché unique", est-il écrit. L’agenda du Brexit est également évoqué, avec des notes qui semblent indiquer que Londres tentera de maintenir le cap des deux ans pour sortir de l'Union, à rebours de l'idée que des négociations plus longues permettraient d'adoucir l'impact du Brexit.

Les Français identifiés comme les plus fermes. Dans les difficiles négociations à venir, les Britanniques semblent particulièrement se méfier des Français. "Les Français seront sans doute les plus difficiles" ou encore que "l'équipe de négociateurs (de l'UE) est très française", peut-on lire dans ces notes. La Commission européenne a en effet désigné le Français Michel Barnier comme négociateur principal.

Pourtant, la France n’est pas la seule à adopter une position ferme : l’Allemagne prend la même voie, comme l’ont montré les récentes déclarations du ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble. La liberté de circulation, a souligné ce dernier dans le Financial Times, va de pair avec l'accès au marché unique. "Il n'y a pas de menu à la carte", a-t-il insisté : "C'est le menu complet, ou rien du tout".

Le gouvernement dément. Le gouvernement britannique n’a pas tardé à réagir, assurant que "ces notes n'appartiennent pas à un responsable gouvernemental ou à un conseiller spécial. Elles ne reflètent pas la position du gouvernement quant aux négociations sur le Brexit". Il n’empêche qu’elles ont été rédigées lors d’un rendez-vous au ministère du Brexit.

Qu’elles reflètent ou non la tactique de Theresa May, ces notes ne rendent en tout cas pas service à Londres. D’abord en interne, puisque tous les partis politiques ont dénoncé ce qui ressemble à une politique sans cap claire, voire irréaliste. Mais le préjudice est aussi diplomatique. "Le véritable préjudice, c’est cette phrase ‘Quelle est la stratégie ? Avoir le beurre et l’argent du beurre’. Le problème, c’est la façon dont ces propos vont être perçus par les autres membres de l’UE", a ainsi décrypté l’un des chefs de service de la BBC. "Franchement, on dirait un enfant gâté qui tape du pied… J’imagine déjà la réaction des autres chefs d’Etat européens : ‘Bien, nous allons vous montrer quelque chose. Voici un morceau de pain rassis. Faites avec, nous ne vous donnerons rien de plus", a-t-il poursuivi. L’explication de texte entre Londres et le reste de l’Europe est prévue d’ici le mois de mars.