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Romain David , modifié à
Pour Pierre Vermeren, spécialiste du Maghreb, il ne fait aucun doute que le président algérien, en dépit de la pression populaire et de son état de santé, ne brigue officiellement dimanche un cinquième mandat.
INTERVIEW

En marge de la contestation soulevée par l'hypothèse d’une cinquième candidature à la présidentielle, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a limogé samedi son directeur de campagne, l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal. Si aucune précision officielle n’a été donnée sur les raisons de ce départ, Pierre Vermeren, historien spécialiste du Maghreb contemporain, y voit une fausse réponse à la pression populaire, qui permet ainsi à la présidence de maintenir l’équilibre en place.

"Abdelmalek Sellal a montré du point de vue du pouvoir un élément de faiblesse, donc il a été remercié. Ça n’est pas une concession à la rue dans ces conditions, mais c’est un renouvellement des têtes qui ne bouleverse rien du tout", relève-t-il au micro de Bernard Poirette, sur Europe 1.

Vers une nouvelle candidature... Pour ce spécialiste, il ne fait aucun doute que le président en fonction, en déplacement en Suisse pour des raisons médicales, déposera sa candidature dans la journée. "Arriver jusque-là pour dire non, ça n’est pas le genre de la maison. Il est très probable qu’il dépose sa candidature", assure-t-il, estimant que seul l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika, déjà très affaibli, pourrait le pousser à renoncer. "Ça dépendrait exclusivement d’une évolution grave."

... et une réélection. Pour Pierre Vermeren, l’absence d’opposition crédible offre un boulevard à la réélection du leader algérien, au pouvoir depuis 1999. "Il faut souligner que les candidats en présence ne sont pas connus ou soutenus par des forces politiques particulières", pointe-t-il. "Les partis les plus connus - ce qui ne veut pas dire qu’ils ont beaucoup d’audience parce qu’ils sont faibles - ont appelé au boycott de l’élection. Selon toute vraisemblance, comme les partis de l’alliance au pouvoir sont réunis, monsieur Bouteflika va gagner les élections parce qu’il y a un rôle de l’administration, une absence de participation de la population et pas vraiment de personnalité [contre lui]", poursuit-il.

"Le capitaine est très âgé et très malade." Par ailleurs, le poids de la rue et des manifestations, qui ont réuni des dizaines de milliers de personnes vendredi dans les principales villes du pays, pourrait être contrebalancé par la censure. "C’est une société dans laquelle les médias sont très contrôlés par le pouvoir. Il n’y a pas de voix dissidente qui va pouvoir s’exprimer. Reste les réseaux sociaux, mais le pouvoir a aussi la possibilité de les bloquer", explique Pierre Vermeren.

"Tout le monde sait très bien que cette succession finira par avoir lieu car le capitaine est très âgé et très malade. Ça peut encore durer quelques mois ou quelques années mais, de toute manière, des changements vont intervenir", conclut-il.