Bolsonaro investi au Brésil : "La question est de savoir si le régime va évoluer vers des moutures autoritaires"

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Anaïs Huet , modifié à
L'arrivée officielle de Jair Bolsonaro à la tête du Brésil ouvre une ère de rupture chargée de lourdes incertitudes, selon une spécialiste du pays interrogée sur Europe 1.

Plus de deux mois après avoir remporté l'élection présidentielle, Jair Bolsonaro a été intronisé chef de l'État brésilien mardi. Clamant à tout-va son intention de renverser la table et de rompre avec un système politique corrompu, cet ancien capitaine de l'armée et député oisif d'extrême-droite fait craindre à une partie de la population un recul de la démocratie. Maud Chirio, historienne spécialiste du Brésil et maître de conférences à l'université Marne-la-Vallée, partage cette inquiétude.

Une image qui pourrait "rapidement s'effriter". "La question est de savoir à quel point l'image de cet homme capable de changer complètement les pratiques va rapidement s'effriter, ou si le régime va en fait évoluer vers des moutures autoritaires, donc va empêcher une quelconque contestation de l'opinion par des mesures répressives", observe l'experte, interrogée par Matthieu Belliard mardi soir sur Europe 1.

Certes, Jair Bolsonaro a été démocratiquement élu, en concentrant d'ailleurs "des attentes beaucoup plus larges que ce qu'il a annoncé", estime Maud Chirio. Mais "c'est un pouvoir qui se préfigure comme peu respectueux des institutions démocratiques. Il est extrêmement militarisé, et extrêmement mobilisé idéologiquement dans la lutte contre la gauche ou le progrès au sens large. C'est pour ça que ce régime risque d'être autoritaire, idéologisé à l'extrême-droite", avance l'historienne. 

Entendu sur europe1 :
Ce gouvernement est déjà très divers et traversé de profonds conflits

Un pouvoir déjà désuni ? Dès lors, si une telle dérive démocratique était constatée, les contre-pouvoirs brésiliens seraient-ils suffisants, en nombre et en poids politique ? "Difficile à dire", répond Maud Chirio, "car le pouvoir de Jair Bolsonaro est lui-même incertain." "Ce pouvoir est composé de forces très disparates : des militaires en désaccord avec de nombreux points de la coalition ultra-conservatrice évangéliste, laquelle est en désaccord avec les économistes néo-libéraux. Ce gouvernement est déjà très divers et traversé de profonds conflits. On se demande donc comment il va s'insérer dans le système démocratique existant, et comment il va collaborer avec la classe politique traditionnelle, avec laquelle il prétend rompre."