Algérie : les gilets orange, médiateurs entre la police et les manifestants

Les "gilets orange" ont fleuri dans les rues la semaine dernière pour tenter d'éviter tout dérapage.
Les "gilets orange" ont fleuri dans les rues la semaine dernière pour tenter d'éviter tout dérapage. © AFP
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Thibauld Mathieu
Alors que les Algériens manifestent vendredi pour la dixième semaine consécutive, de plus en plus de volontaires, habillés de gilets orange, tentent d'éviter les heurts avec les forces de l'ordre.

Ce dixième vendredi consécutif de manifestations à travers l'Algérie pourrait bien marquer un tournant dans la mobilisation. Soit le mouvement de contestation se poursuit avec la même ampleur et la même vigueur que les semaines précédentes, montrant ainsi que rien ne pourra l'arrêter dans sa quête d'un nouveau système politique, soit il se divise. C'est ce que craignent certains manifestants, qui font tout pour éviter la violence au sein des cortèges. Vêtus de gilets orange, ces bénévoles se sont donnés pour mission de prévenir tout dérapage entre les protestataires et la police.

Un dispositif mis en place après les violences du 12 avril

Depuis le 22 février, les violences sont rares lors des manifestations, malgré quelques zones d'Alger identifiées à risque, notamment celles menant au palais présidentiel, à El Mouradia. Si ces quartiers de la capitale ont été le théâtre de brefs affrontements entre la police et les casseurs, les marches ont connu un regain de tensions le 12 avril dernier. Les forces de l’ordre ont ce jour-là fait usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau pour disperser des jeunes qui leur jetaient des pierres, causant dans la foule un mouvement de panique.

Alors, dès le vendredi suivant, des jeunes volontaires vêtus de gilets orange flanqués du mot "Silmiya" (Pacifique) ont fleuri dans les rues pour tenter d'encadrer la mobilisation. Concrètement, en formant une chaîne humaine, ils établissent des cordons sécuritaires entre les deux camps.

Comment est née l'initiative

Dès les premiers vendredis, plusieurs citoyens portaient déjà des gilets orange, s'occupant essentiellement de nettoyer les rues après le passage des cortèges. Mais Tourfik Amrane, correspondant de presse pour des médias algériens au Canada, a décidé de se réapproprier la tenue.

"J’ai parlé de cette idée à des amis au lendemain des violences du 12 avril, et ça leur a tout de suite plu. Puis nous avons réalisé une quête qui nous a permis d’acheter 200 gilets orange", raconte-t-il auprès de France 24. "Des journalistes, des étudiants, des médecins et d’autres citoyens nous ont aussi rejoint après avoir appris l’existence de cette initiative sur les réseaux sociaux".

Il ne faut toutefois pas y voir une inspiration purement individuelle. Chaque quartier s'organise de son côté, certains lors de réunions dans les halls d’immeubles, d’autres dans des sièges d’associations, selon le site Tout sur l'Algérie (TSA).

Un procédé plutôt bien accueilli par les deux camps

Vendredi dernier, les "gilets orange" ont ainsi permis de barrer la route à des perturbateurs, au niveau du tunnel des Facultés, dans le centre-ville d'Alger. TSA rapporte notamment l'échange musclé entre un adolescent torse nu et les bénévoles. "Pour qui vous prenez-vous", aurait lancé le premier. "Ton grand frère !", lui aurait répondu le second dans un sourire, faisant ainsi retomber la tension.

"Il y a eu quelques provocations de la part d’une poignée de personnes, mais l’initiative a été très bien accueillie par les manifestants", assure Tourfik Amrane auprès de France 24. Selon lui, les policiers ont également accepté la démarche, qui les sert tout autant. Vendredi dernier, ils n'ont pas eu à tirer la moindre grenade lacrymogène.