Brexit : démissions en série au sein du gouvernement britannique

Theresa May avait bataillé durant cinq heures la veille pour rallier ses ministres au compromis conclu entre négociateurs britanniques et européenne.
Theresa May avait bataillé durant cinq heures la veille pour rallier ses ministres au compromis conclu entre négociateurs britanniques et européenne. © AFP
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avec AFP , modifié à
En raison de leur opposition au projet d'accord avec l'Union européenne sur le Brexit, quatre ministres ont claqué la porte du gouvernement de Theresa May jeudi.

C'est un coup dur pour Theresa May. Jeudi, deux jours après qu'un projet d'accord sur le Brexit a été conclu sous l'égide de la Première ministre avec l'Union européenne, la secrétaire d'Etat du Brexit, Suella Braverman, le ministre britannique chargé du Brexit, Dominic Raab, la ministre du Travail, Esther McVey, et le secrétaire d'Etat chargé de l'Irlande du Nord, Shailesh Vara, ont annoncé avoir démissionné. Par ailleurs, des députés conservateurs ont indiqué qu'ils allaient réclamer un vote de défiance contre la Première ministre. 

La cheffe de l'exécutif britannique avait pourtant bataillé durant cinq heures la veille pour rallier ses ministres au compromis conclu entre négociateurs britanniques et européens. Le président du Conseil européen Donald Tusk a annoncé jeudi la tenue d'un sommet le 25 novembre pour signer le projet d'accord de retrait conclu mercredi soir avec le Royaume-Uni. Ce sera ensuite aux parlementaires britanniques de donner leur aval en décembre.  

LES INFORMATIONS À RETENIR : 

  • Quatre ministres et secrétaires d'Etat britanniques ont annoncé leur démission
  • Ils dénoncent un accord qui ne reflète pas le résultat du référendum de juin 2016
  • Theresa May a réagi jeudi midi en lançant un avertissement aux députés britanniques 
  • Un député pro-Brexit menace Theresa May d'un vote de défiance

Qui a démissionné ? 

La secrétaire d'Etat du Brexit, Suella Braverman, le ministre britannique chargé du Brexit, Dominic Raab, la ministre du Travail, Esther McVey, et le secrétaire d'Etat chargé de l'Irlande du Nord, Shailesh Vara, ont claqué la porte du gouvernement jeudi matin. Dominic Raab avait succédé en juillet au Brexiter David Davis, qui avait lui-même déjà démissionné du gouvernement car il jugeait trop douce la stratégie de Theresa May en matière de Brexit.  

Par ailleurs, Ranil Jayawardena, assistant ministériel au département de la justice, et Anne-Marie Trevelyan, assistante ministérielle au ministère de l'Education, ont également annoncé leur départ via Twitter. 

Qu'est ce qui bloque ? 

Trop de concessions. Pour Suella Braverman, la secrétaire d'Etat du Brexit, le projet contient trop de "concessions". "L'accord que vous avez présenté au cabinet hier (mercredi) ne reflète pas le résultat du référendum" de juin 2016, où 52% de Britanniques s'étaient prononcés pour la sortie de l'UE, a déclaré pour sa part la ministre du Travail, qui avait elle-même voté pour la sortie de l'UE. Le secrétaire d'Etat chargé de l'Irlande du Nord, Shailesh Vara, a exprimé aussi son opposition estimant que "cet accord ne permet pas au Royaume-Uni d'être un pays souverain, indépendant".

La frontière irlandaise. Le point le plus controversé du projet d'accord concerne les dispositions visant à empêcher le retour d'une frontière physique entre la province britannique d'Irlande du Nord et la République d'Irlande voisine, membre de l'UE. Le compromis prévoit un "filet de sécurité" ("backstop" en anglais), solution de dernier recours prévoyant le maintien de l'ensemble du Royaume-Uni dans une union douanière avec l'UE ainsi qu'un alignement réglementaire plus poussé pour l'Irlande du Nord, si aucun accord sur la future relation entre Bruxelles et Londres n'était conclu à l'issue d'une période de transition de 21 mois prévue après le Brexit, le 29 mars 2019, et prolongeable une fois. 

"Je pense que le régime réglementaire proposé pour l'Irlande du Nord présente une menace très réelle pour l'intégrité du Royaume-Uni", a expliqué Dominic Raab, qui s'oppose également à un backstop "de durée indéfinie". "Aucune nation démocratique n'a jamais consenti à être liée par un régime si extensif, imposé de l'extérieur sans aucun contrôle démocratique sur les lois qui seront appliquées", a-t-il ajouté.

Comment a réagi Theresa May ?

La Première ministre britannique a averti jeudi les députés qu'ils avaient le choix entre le projet d'accord de divorce conclu avec l'Union européenne, pas d'accord ou "pas de Brexit du tout". "Le choix est clair : nous pouvons choisir de partir sans accord, risquer qu'il n'y ait pas de Brexit du tout ou soutenir le meilleur accord négociable", a dit Theresa May au Parlement. 

Lors d'une conférence de presse en fin de journée jeudi, Theresa May a martelé qu'elle "ira jusqu'au bout", estimant que le projet d'accord conclu était "le meilleur" possible pour le Royaume-Uni. "Je crois, avec chaque fibre de mon être, que le chemin que j'ai suivi est le meilleur pour mon pays", a-t-elle déclaré, affirmant qu'elle agissait dans l'intérêt national. La Première ministre britannique a également exclu l'organisation d'un second référendum à son initiative, alors qu'elle a fait planer la menace d'un retour en arrière plus tôt devant les députés, si le parlement n'appuyait pas le projet d'accord.

"Cet accord atteindra les objectifs promis, mais il faudra pour cela nous unir", a-t-elle prévenu. Des députés de son Parti conservateur, mécontents en particulier de la manière dont la question de la frontière irlandaise a été réglée, ont réclamé un vote de défiance contre la Première ministre britannique.

Comment se comportent les marchés ?

La livre sterling a brusquement décroché jeudi après l'annonce de la démission du ministre du Brexit, Dominic Raab, perdant environ 1% face au dollar. Vers 10h15, une livre valait 1,2858 dollar, contre 1,2992 dollar mercredi soir vers 23h. La devise retombe ainsi à son niveau de mardi, soit avant l'annonce du projet d'accord et l'aval donné mercredi soir par le gouvernement de Theresa May. "Il semble que la livre soit désormais un baromètre de la capacité de la Première ministre à conserver son poste", explique James Hughes, analyste pour Axitrader.

... et que disent les autres pays européens ? 

"Rien ne nous permet à ce stade de savoir si l'accord sera au final adopté (...) Il n'a échappé à personne que l'actualité politique britannique pouvait nourrir un certain nombre de questionnements et d'inquiétudes sur la possibilité effective d'une ratification de cet accord", a déclaré jeudi le Premier ministre français. S'il qualifie le projet d'accord obtenu entre Bruxelles et Londres sur le Brexit de "grand pas", Edouard Philippe a estimé que l'hypothèse d'une sortie sans accord était "toujours sur la table".

La chancelière allemande s'est dit "très contente" qu'un accord ait été trouvé. Angela Merkel a rappelé que de "longues négociations pas toujours faciles" avaient eu lieu, soulignant également que le texte restait encore soumis à l'aval des députés britanniques et à celui des autres pays membres de l'Union européenne. Le président du Conseil européen Donald Tusk a assuré pour sa part que l'UE était prête pour un "accord final" avec le Royaume-Uni en novembre. "Nous sommes aussi préparés pour un scénario d'absence d'accord. Mais évidemment, nous sommes le mieux préparés pour un scénario d'absence de Brexit", a ajouté le président du Conseil avec un sourire.