Migrants libyens : le rapport qui dérange

Le Conseil de l'Europe présente jeudi son rapport sur le naufrage de mars 2011, où 63 personnes sont mortes.
Le Conseil de l'Europe présente jeudi son rapport sur le naufrage de mars 2011, où 63 personnes sont mortes. © DR
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Stéphanie de Silguy , modifié à
Le Conseil de l'Europe présente jeudi son rapport sur le naufrage de mars 2011, où 63 personnes sont mortes.

Il aura fallu neuf mois d'enquête au Conseil de l'Europe pour tenter d'éclaircir les conditions dans lesquelles ont péri en mer63 personnes qui tentaient de fuir le régime libyen, en mai dernier. Presque un an jour pour jour, le  rapporteur de l'Assemblée parlementaire du conseil de l'Europe présente jeudi un rapport intitulé "Vies perdues en Méditerranée : qui est responsable ?". Un document dont le Guardiana obtenu une copie.

Des SOS restés sans réponse

Dans ce rapport, on apprend tout d'abord que les naufragés ont envoyé de nombreux appels de détresse, notamment aux forces armées opérant dans le secteur, qui ont été ignorés. " Des signaux de détresse ont été envoyés au centre de sauvetage maritime à Rome. Ils auraient ensuite dû être transmis à l'un des navires sous commandement de l'OTAN, la frégate espagnole Mendez Nunez, qui se trouvait alors dans les environs. Équipée d'hélicoptères, cela aurait été très facile de leur venir en aide", explique un des représentants du Conseil de l'Europe.

Un navire sous commandement de l'OTAN en cause ?

L'OTAN, joint par le Guardian, se défend. "C'était un incident tragique. Mais nous avons informé le rapporteur du Conseil de l'Europe qu'il n'y a aucune trace d'un avion ou d'un navire sous commandement de l'OTAN qui a vu, ou est entré en contact, avec les naufragés. " Le ministre de la Défense espagnole, a de son coté, dans une lettre adressée au Conseil de l'Europe,  affirmé que la frégate espagnole Mendez Nunez n'avait reçu aucun message au sujet du bateau à la dérive des migrants.

Des bateaux commerciaux et militaires passés près de l'embarcation auraient aussi commis un certain nombre d'erreurs, révèle ensuite le document. "Plusieurs opportunités pour sauver des vies à bord de l'embarcation ont été perdues", peut-on lire. "Ceux qui sont morts auraient pu être secourus si tous ceux impliqués avaient remplis leur devoir", souligne encore le rapport.

L'enquête révèle notamment qu'un hélicoptère militaire en provenance d'un navire leur aurait envoyé de la nourriture et de l'eau en leur demandant de rester au même endroit, puis n'est jamais revenu. Cet appareil n'a pas encore été identifié. Selon le rapport, il s'agit d'un bateau sous commandement de l'OTAN, "elle doit donc prendre la responsabilité de ses navires", souligne le rapport.

 "Je ne peux pas dormir, encore aujourd'hui"

Ce drame a été révélé par des survivants. Abu Kurke Kebato, est l'un d'entre eux. Il espère que ce rapport mettra la pression sur l'OTAN et l'Union européenne pour que la lumière soit faite. "Je ne peux pas dormir, encore aujourd'hui", témoigne cet Ethiopien  qui attend désormais une réponse pour obtenir l'asile aux Pays-Bas. "Chaque nuit, je peux me refaire le film de ce qui s'est passé : la faim, la soif, le naufrage. Ils savaient qu'on avait besoin d'aide et n'ont rien fait. Ils doivent se confronter à la justice", raconte-t-il au Guardian.

Mais le rapport met aussi à jour d'autres naufrages passés sous silence. L'année dernière un nombre record de naufrages a été relevé en Méditerranée "Quand vous pensez à toute l'attention portée par les médias lors du naufrage du Costa Concordia comparé  aux 1.500 migrants morts en Méditerranée en 2011, la différence est accablante", souligne l'auteur du rapport. Et d'ajouter, "sachant que cette mer est l’une des plus fréquentées et des mieux surveillées au monde."