Mes questions pour Hillary

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François Clémenceau , modifié à
L’accès à la Secrétaire d’Etat est très ardu et l’a toujours été même pendant la campagne.

Lorsque l’équipe de Marc-Olivier Fogiel m’a appelé pour me demander s’il était possible d’obtenir une interview avec Hillary Clinton lors de son passage à Paris, j’ai été un peu sec. Il faut dire que l’accès à la Secrétaire d’Etat reste extrêmement ardu et qu’il l’a toujours été, même pendant sa campagne contre Barack Obama. Je me souviens l’avoir suivi un jour dans son Etat de New York du côté de Rochester. Ses assistantes m’avaient dit qu’il fallait saisir sa chance. Après une journée qui avait commencé fort tôt, après des poignées de main à n’en plus finir et des discours interminables lors de réceptions de fund raising, j’ai senti le moment où je pourrai la coincer une ou deux minutes. Et là je suis tombé sur mon confrère du Washington Post David Ignatius, l’un des seigneurs de ce métier. David m’a dit qu’il voyageait dans l’escorte d’Hillary parce qu’elle lui avait promis une interview. J’ai vu mes espoirs se dégonfler. Après cinq minutes de confusion, voici Ignatius qui revient vers moi et me dit « je ne l’ai pas eue ». C’est là que je me suis rendu compte qu’Hillary n’était accessible que dans le cadre d’un plan média des plus élaborés et revu en permanence en fonction de ses intérêts.

Une absence remarquée

Si je vous raconte tout ça c’est parce qu’Hillary était à Londres et Paris ces dernières heures et que son absence de Washington n’est pas passée inaperçue à Washington. Déjà, avant de s’envoler pour l’Angleterre, la Secrétaire d’Etat avait demandé aux conseillers de la Maison Blanche si sa présence était indispensable en Europe le jour où le Président Obama s’adresserait au Congrès pour son premier Discours sur l’Etat de l’Union. Elle avait également offert ses services pour être le seul ministre du gouvernement à rester à l’écart ce soir-là, comme les règles de sécurité adoptées aux lendemains du 11-Septembre l’imposent afin qu’en cas d’attentat contre le Capitole, la continuité de l’Exécutif soit assurée. C’est toujours délicat de faire cette offre. En général, on attend qu’on vous l’impose sinon des esprits mal lunés pourraient y deviner une ambition macabre. Mais la réponse fut des plus claires : « nous avons besoin de vous Hillary à Londres pour cette conférence importante » et c’est finalement le ministre du Logement Shaun Donovan qui fut sélectionné pour rester dans l’ombre et au secret.

Or, ce même soir, le premier grand documentaire sur Hillary Clinton a été diffusé sur la chaîne PBS. Cela faisait des mois qu’Hillary n’avait pas été exposée pendant plus de vingt minutes sur une chaîne de télévision en prime time. On découvre dans cet excellent reportage une vie quotidienne de quasi-présidente des Etats-Unis, un job épuisant et des responsabilités considérables. Si bien que lorsque l’auteur du documentaire lui pose la question de savoir si elle en restera en place à ce poste au-delà du premier mandat d’Obama, elle répond : « Huit ans, ce serait un vrai défi, c'est un boulot 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et je pense qu'à un certain moment, je serais très heureuse de passer la main". Le journaliste lui demande alors ce qu’elle compte faire après 2012. Et Hillary d’évoquer « un retour à la vie privée » pour prendre « le temps de lire, d’écrire ou d’enseigner ». Pas de candidature à la Présidentielle en 2012 donc ? « Non, je vous assure ».

N’en parler jamais, y penser toujours

Sauf que ce genre de réponse ne parvient jamais à convaincre totalement. Sur la blogosphère et dans la presse, les amis d’Hillary Clinton se sont empressés de rappeler que la Secrétaire d’Etat était frustrée par les échecs de la Maison Blanche sur certains dossiers-clés comme l’assurance-santé, qu’elle avait remporté en 2008 les primaires démocrates dans le Massachusetts où un élu local républicain vient de se faire élire pour succéder à Ted Kennedy ou qu’elle avait du mal à « trouver sa place » dans l’équipe qui définit la politique étrangère américaine. Les historiens soulignent de leur côté que la dernière fois qu’un démocrate s’est présenté contre le président sortant, les choses s’étaient très mal passé. Ted Kennedy, précisément, s’était accroché jusqu’au bout contre Jimmy Carter. Le rebelle n’avait pas été nominé et le tenant du titre s’était fait balayer par Ronald Reagan. A moins que le Président Obama ne se représente pas en 2012. Comme il l’a dit lui-même cette semaine, « je préfère être un bon président sur quatre ans plutôt qu’un médiocre sur huit » !....

D’où mon questionnement sur Hillary : n’en parler jamais, y penser toujours, est-ce que cette formule ne serait pas plus proche de la vérité ? Après tout, elle aura 65 ans en octobre 2012, ce qui n’est pas un âge indigne pour diriger les Etats-Unis. Oserait-elle se présenter contre Obama ou attendre qu’il ne fasse qu’un mandat pour prétendre à sa succession ? Ont-ils passé un deal tous les deux à ce sujet, comme certains le suggèrent ? Tous ceux qui comme nous les avons vu se bagarrer pendant les primaires savent que leur réconciliation et leur alliance tient à la fois du bon sens, de l’unité à préserver dans le camp démocrate mais correspond fondamentalement à leurs intérêts personnels.

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