Mais que veulent les Anonymous ?

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Ces "hacktivistes" multiplient les actions coup de poing, sans suivre ni politique, ni projet précis.

Les Anonymous, ces cyber-justiciers masqués s’attaquaient la semaine passée à des sites internet pro-gouvernement nord-coréens, aujourd’hui ils interpellent le gouvernement gabonais, en lançant une campagne contre les crimes rituels, baptisée Opération Gabon, sur le réseau social Twitter.

Rien ne lie ces deux cibles, si ce n’est la volonté,  de ces pirates interne, de combattre "le mal". Ces pirates informatiques, qui se présentent comme "la voix des sans-voix", en viennent à défendre des causes de plus en plus diverses.

Mais comment les Anonymous choisissent-ils leurs cibles ? Difficile à dire. Aucun critère, si ce n’est la défense de la liberté (d’expression), ne semble conduire leurs choix. "C’est un mouvement avant tout réactif, opportuniste", avance Vincent Cespedes, auteur de Mai 68 la philosophie est dans la rue.

La do-ocracy de la nébuleuse Anonymous

"Les Anonymous sont un mélange international de geeks qui veulent se la jouer justiciers et ils y arrivent. On voit qu’ils ont une réelle force de frappe", ajoute le spécialiste, interrogé par Europe 1.fr. Leur dernier coup d’éclat ? Avoir déclenché la réouverture de l'enquête sur le viol présumé d'une adolescente canadienne, dont le suicide avait déclenché une vive polémique. Menant une enquête parallèle, ils ont pu faire parvenir de nouveaux éléments à la police.

Mais il n’existe pas au sein d’Anonymous de bureau ou d’élus qui décideraient des cibles à viser. "N’importe qui, qui se réclame d’Anonymous, peut lancer une action. C’est ce qu’on appelle la do- ocracy : celui qui fait, détient le pouvoir", explique Nicolas Danet, co-auteur de Anonymous, peuvent-ils changer le monde .

"Il faut bien comprendre que Anonymous n’est ni un syndicat, ni une ONG mais un étendard dont se servent des personnes à un moment donné", ajoute-t-il, soulignant qu’"il s’agit davantage d’une nébuleuse, dans le sens où Anonymous est composé de plein de petits groupes, dont les actions peuvent même parfois être contradictoires". Ca a été le cas en 2011 par exemple, quand certains Anonymous, en désaccord sur la politique de Facebook sur les données personnelles - ont voulu lancer une grande attaque contre le réseau social ; tandis que d’autres ne le souhaitaient pas.

Une vision (trop) manichéenne

Les actions du mouvement ont donc leurs limites. C’est l’opportunité qui semble conduire les choix de ces pirates informatiques et non une véritable idéologie commune. Un sujet émerge dans les débats de société, et les Anonymous se positionnent et s’en emparent. Mais souvent leur vision est manichéenne et leur positionnement attendu. Car les actions de piratage menées par les Anonymous touchent essentiellement des cibles clairement identifiées, dans l’opinion publique, comme les "méchants".  A l’instar du régime nord-coréen, de pédophiles présumés ou encore du président syrien Bachar al-Assad.

"On voit bien qu’ils s’attaquent aux "grands méchants loups", comme les dictateurs, les gouvernements oppressants, mais on ne les voit pas, par exemple, prendre la parole au sujet d’Arcelor Mittal ou de la fermeture du site PSA d’Aulnay-sous-Bois", note Vincent Cespedes. Mais, pour Nicolas Danet, il s’agit d’une situation typiquement française et non représentative du mouvement. "En France, il n’y a pas de ponts entre les conflits sociaux et les hackers. Mais en Espagne, par exemple, les Anonymous ont beaucoup agit aux côtés des indignés", souligne-t-il.

Un anonymat dangereux

Mais si les Anonymous cherchent à détruire ou à affaiblir leurs "ennemis", ils ne proposent aucun projet de société. Et c’est ce manque de vision d’un destin commun, d’un projet de société, qui peut rendre le mouvement potentiellement dangereux. N’importe qui peut devenir un Anonymous en se rendant sur les forums de discussions comme "4chan" où les pirates informatiques se "retrouvent" et discutent de leur prochaine action. Il est quasiment impossible de savoir si le mouvement n’a pas été infiltré par tel ou tel groupuscule idéologique qui diffuse de fausses informations pour que des piratages soient effectués.

"Les Anonymous sont un bras armé, mais un bras armé de quoi ?", s’interroge Vincent  Cespedes. Pour le spécialiste, il faudrait maintenant que le mouvement se dote d’une philosophie ou une idéologie, car sans cela, Anonymous "prête le flan à la manipulation". Pour Nicolas Danet, ce n’est pas le but des personnes qui se réclament d’Anonymous, qui veulent simplement avoir à disposition "une bannière modulable, réutilisable et réappropriable à souhaits". Mais sortir de l’anonymat, toucherait à l’essence même du mouvement alors, son arrêt de mort.