Libye : le grand ménage des autorités

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avec Fabien Thelma, envoyé spécial à la frontière entre la Libye et la Tunisie , modifié à
- Un opposant soigné en Tunisie raconte comment les autorités nettoient la répression.

Après la répression sanglante, le grand nettoyage. Selon le témoignage exclusif d’un opposant libyen qui est parvenu à passer en Tunisie, les autorités libyennes tentent dans l’Ouest du pays d’effacer toute trace des exactions perpétrées à l’encontre de la révolte populaire qui secoue actuellement le pays. Amin*, blessé par balle à la jambe droite, est parvenu, au péril de sa vie, et en dissimulant son état, à franchir clandestinement les barrages, à bord d’un véhicule. Il est l’un des premiers à y parvenir. A travers Mhamed, son père, le jeune homme, visiblement choqué, rendu groggy par le traitement reçu dans une clinique du Sud de Tunisie, a pu raconter en exclusivité pour Europe 1 comment opèrent les pro-Kadhafi pour taire la répression.

A la frontière d’abord. Les autorités libyennes ont mis en place six points de contrôle. Ils refoulent systématiquement chaque blessé, enlèvent les puces des téléphones portables, et réclament parfois de l’argent. Sur le terrain, les méthodes sont plus radicales. "La nuit, ils se rendent chez les opposants, les forcent à sortir, ils les ligotent, les alignent et les abattent sommairement", détaille Mhamed, originaire comme son fils de Zaouia, à l’Ouest du pays, l’une des villes où les combats sont les plus féroces. "Puis ils placent les corps dans des fosses communes improvisées et coulent du béton à l’intérieur pour les faire disparaître."

"Ils épongent les murs de l’hôpital"

Par ailleurs, Amin et son père assurent qu’à l’hôpital, les forces de l’ordre achèvent les blessés en les égorgeant. "Il raconte cela. Mais je l’ai entendu aussi entendu une fois ou deux, par d’autres personnes, par des gens qu’on a contactés", confirme le médecin. "Ils sortent les cadavres et épongent les murs de l’hôpital", raconte encore Mhamed.

"Il y a beaucoup de blessés, beaucoup de morts", explique le médecin :

Amin a bien failli être lui-même victime de la répression. "Il a voulu se rendre une nuit avec d’autres jeunes dans une caserne pour s’emparer d’armes et de munitions et combattre", raconte son père. "Mais ils ont été surpris par une 4x4 de miliciens civils fidèles à Kadhafi, qui sillonnent les rues portes ouvertes et tirent à vue au moindre geste suspect. Armés de jumelles à visée nocturne et d’armes de guerre, ils ont tiré partout. L’ami qui accompagnait mon fils a été touché d’une balle dans la tête, il est mort." Touché à la jambe, Amin est parvenu à s’enfuir vers la Tunisie. Mais hormis son père, sa famille est restée au pays.

*Les prénoms ont été changés