Les confessions d'un très jeune kamikaze

Oumar n'a plus de nouvelles de sa famille depuis l'attentat-suicide.
Oumar n'a plus de nouvelles de sa famille depuis l'attentat-suicide. © Capture d'écran BBC
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Marcia Lacombe , modifié à
Un Pakistanais de 14 ans rescapé d'un attentat-suicide livre un témoignage inédit sur son geste.

A tout juste 14 ans, Oumar Fidai a déjà un passé de kamikaze. Cet adolescent pakistanais livre un témoignage inédit à la BBC sur les raisons qui l'ont poussé à vouloir tuer et à se sacrifier par la même occasion pour la cause des talibans.

Sauvé de justesse par un policier, Oumar Fidai a participé à l'attentat-suicide du 3 avril dernier, visant un mausolée soufi, qui a fait 41 morts dans le centre du Pakistan. Posté avec un ami près du monument religieux, il attendait que les ambulances arrivent pour se faire exploser afin de "tuer le plus de monde possible". " "J'ai pensé que ça ferait un peu mal, mais qu'après je me retrouverai au paradis", raconte le jeune homme sur son lit d'hôpital, sérieusement blessé, avec un bras gauche en moins.

Sauvé in-extrémis

Mais sa ceinture d'explosifs ne se déclenche pas bien, et le jeune homme est gravement blessé à l'abdomen. Encore conscient, il essaye alors de se faire exploser à l'aide d'une grenade qu'il garde dans sa poche, suivant les consignes de ses instructeurs. Il en est empêché in extremis par un policier qui lui tire dessus.

Comment cet adolescent en est-il arrivé là ? Il faut remonter cinq mois auparavant, dans son village natal du sud-ouest pakistanais, près de la frontière afghane, pour comprendre. Dans l'école où étudie Oumar, les talibans sont omniprésents. L'adolescent se fait aborder une première fois, mais refuse de se joindre à leur cause. "Un jour, l'un m'a dit de l'accompagner pour devenir un kamikaze, mais je lui ai répondu que s'il voulait tuer des gens, il devrait le faire lui-même, et pas demander ça à des enfants".

"Cela ne sert à rien d'étudier"

Mais les recruteurs talibans reviennent plusieurs fois à la charge, disent que "cela ne sert à rien d'étudier", promettent le paradis, et Oumar finit par se laisser convaincre. "Ils priaient tout le temps et lisaient le Coran. J'ai finalement pensé que c'était des bonnes personnes". Il décide de les rejoindre.

Oumar est alors entraîné à manier les armes et les explosifs dans un camp où il se rend les" yeux bandés et les mains attachées" afin de ne pas pouvoir, un jour, être en mesure d'identifier cette place tenue secrète.

Quand il se rend sur les lieux de l'attentat-suicide, il apprend au dernier moment que celui-ci a lieu dans son pays, le Pakistan. Avant de passer à l'acte, Oumar n'est même pas triste. Il se prépare en compagnie de son camarade d'infortune, qui lui "réussira" son acte suicidaire. "On s'est dit au revoir et on s'est promis de prier l'un pour l'autre (...) nous savions que nous irions au paradis".

"J'ai été sauvé de l'enfer"

Depuis, Oumar a pris conscience de la gravité de son geste. Et il est à présent très reconnaissant. "J'ai été sauvé de l'enfer. Je souffre beaucoup mais je sais qu'il y a des gens à l'hôpital qui sont bien plus sévèrement blessés et je regrette tellement ce que j'ai fait".

Sa famille ne lui parle plus. "Ce que nous avons fait est inexcusable, nous avons tué des enfants, des femmes et des personnes âgés. Aujourd'hui, je réalise que les attentats-suicides vont à l'encontre de l'enseignement de l'Islam. J'espère que les gens me pardonneront". Encore sérieusement blessé, il pourrait ne pas survivre. Et il redoute des représailles de ses anciens chefs, les talibans.